Entretien avec Marcel Duchamp

Entretien avec l’artiste Marcel DUCHAMP (1887-1968), fait en juin 1967, portant uniquement sur les « ready-made » inventés à New York. L’interview est faite à Paris à la galerie GIVAUDAN. Le ready made est né d’un ensemble de conclusions : de nombreux éléments d’un tableau sont achetés tout faits, la toile, les pinceaux… en poussant le raisonnement jusqu’au bout on arrive au « ready made ». Lui, l’artiste ne fait que signer. De toutes les façons une œuvre d’art est toujours un choix de l’artiste. Le ready made doit être indifférent à son auteur, ce n’est pas un choix esthétique. On doit se débarrasser de cette idée du beau et du laid. Les premiers « ready made » remontent à 1913, c’est « la roue de bicyclette ». La première chose qui l’a intéressée c’est le mouvement, puis il a compris que le mouvement n’était pas nécessaire. En 1914, est venu le « porte bouteille », puis en 1915-16, il a cessé d’en faire depuis très longtemps. Il commente  » l’effet rétinien » qu’il utilise à propos des tableaux. Il n’aime pas beaucoup l’art abstrait à cause de « l’effet rétinien ». Un ready made ne doit pas être regardé, on prend notion par les yeux qu’il existe, on ne le contemple pas. Il suffit de prendre note. La notion de contradiction n’a pas été assez exploitée. Les readymade ne sont qu’en huit exemplaires. A la simple reproduction d’un readymade, il manque la troisième dimension. Il s’explique par l’œuvre « Pharmacie ». Ce n’est pas l’effet rétinien qui compte pour le readymade, il peut exister seulement par la mémoire. L’œuvre n’est plus rétinienne. Les phrases des readymade sont des couleurs verbales, elles ne sont ni descriptives, ni explicatives. Les readymade avaient été oubliés, on ne les retrouve que maintenant. Il ne fait rien, attend la mort, les questions d’art ne l’intéressent plus.

La forme actuelle du capitalisme est un capitalisme de la liberté de choix – nous devons choisir pour ne pas devoir décider.

The decision decides on the impossible. That distinguishes it from the choice. Whereas choosing means selecting from given options or possibilities, deciding means voting for an option not given. The current form of capitalism is a capitalism of freedom of choice – we are to choose so as not to decide. The current form of capitalism places the subject before an immense number of options, selling the ability to choose between them as freedom. Freedom in capitalism is freedom of choice. A decision, however, breaks with the system of given options.

La décision décide de l’impossible. Ce qui la distingue du choix. Là où choisir signifie choisir parmi un certain nombre d’options ou de possibilités données, décider signifie élire une option qui n’est pas donnée. La forme actuelle du capitalisme est un capitalisme de la liberté de choix – nous devons choisir pour ne pas devoir décider. La forme actuelle du capitalisme place le sujet devant un quantité immense d’options, lui vendant la possibilité de choisir parmi elles comme étant la liberté. La liberté dans le capitalisme est la liberté de choisir. Une décision cependant rompt avec le système d’options données.

Marcus Steinweg
(Facebook, le 29 juillet, 21:22)

La traduction est de moi. Mon anglais est trop pauvre, il faut que je traduise pour comprendre.

23 février 2017 – le mauvais choix

Cela fait une mois (j’ai commencé le 17 janvier, nous sommes le 23.2) que j’essaie de faire un certain travail qui aurait dû être facile et que je rate : tous les jours, éventuellement tous les deux jours, je change de méthode, de chemin, de moyen pour arriver au résultat que je dois atteindre,  il s’agit d’un site internet, persuadée que le choix que j’ai fait n’est pas le bon,  que ce n’est pas ça.

J’ai commencé ce travail dans beaucoup d’angoisse, laquelle est tombée lorsque j’ai avoué ce fantasme (si de ça qu’il s’agit, dans l’idée donc qui me poursuit, d’avoir fait le mauvais choix) à la personne pour qui je dois faire ce travail, personne un peu magicienne, pensant que je serais guérie, puisque de toute façon, il le fallait.

L’angoisse s’est dissipée, la poisseuse, celle qui me prenait au corps, qui m’avait d’ailleurs collé un lumbago. C’est dans un sentiment qui s’évidait, que j’ai continué chaque soir à défaire ce que j’avais fait le jour, pour repartir à zéro le lendemain matin, persuadée d’avoir enfin fait le bon choix. Même si cette  persuasion s’est émoussée au fil du temps, tandis que j’avançais un peu plus hallucinée chaque jour par mes agissements. Cette hallucination me préservant de ressentir quoi que ce soit.

Il y a là  une fatalité et je ne sais pas du tout à quoi je joue. A tel point qu’il m’a semblé un moment que je ferais bien de retourner voir une analyste le temps de résoudre ça, qui ne pouvait rester comme ça. Je ne l’ai pas fait.

Un sentiment de vide non loin de l’effroi, une lassitude croissante m’a soufflé hier que ce qui commandait à cette situation, c’est qu’il fallait que ce ne soit pas ça, songeant en arrière-plan à la « jouissance qui n’est pas ça » de Lacan, la jouissance dont il faut qu’elle ne soit pas ça, qu’elle soit jamais ça, qu’elle soit jamais la jouissance qu’il faut. La jouissance qui toujours fait dire « C’est pas ça ». Et que je sois coincée dans cet impératif-là, de jouissance, sans issue, sans possiblité de mouvement, d’extraction.chacune demes avances/reculades revêtant d’ailleurs tous les dehors de la raison

Je me suis demandée aussi si, moi qui n’écris plus aujourd’hui, je ne regretterais plus de l’écriture que la confession.  L’acte de contrition1, la confession, les regrets, les excuses, les justifications. Révélant in fine la cause secrète, jouissive, qu’elle aurait jamais constitué pour moi. 

A n’écrire pas, il ne me manquerait plus aujourd’hui que d’écrire, minute après minute,  mes excuses. Empruntant le destin de ma mère, d’une vie vécue sous  ce funeste signe. Tout cela n’est pas complètement neuf. (Je me souviens même être arrivée en analyse espérant y rester, en sortir sans pardon. Elle que j’aurai d’abord vécue comme un procès, où j’étais à la fois juge et partie).

Cela  m’a paru complètement vain comme raison d’écrire et de vivre. Dans le désir inextinguible d’étaler une confession  par écrit. La passion d’être fautive.

Il est cependant une autre raison d’écrire qui m’apparaît, par rapport à laquelle d’ailleurs je suis fautive, c’est celle de l’effroi face au temps et à l’oubli.  

Et je me suis réveillée un matin me disant qu’être seule, c’était être seule avec tout ça (pour toujours et à jamais, irrémédiablement). Et que j’aurais beau tâcher de l’écrire, des les écrire, toutes ces saloperies, rien n’en passerait jamais. Il n’y a d’autre solitude que celle-là, elle est insurmontable (comme disait Miller, la jouissance n’est pas dialectique, elle n’est pas communicable). Je m’illusionne à croire que quoi que ce soit puisse s’en écrire, et d’un façon utile, reprenant la guise de ces avertissements d’antant adressés au lecteur, prends garde et écoute mon histoire, sois en édifié, et que te soient évité mon chemin de douleur (s’il ne s’agit que de péché, continuons donc d’utiliser le vocabulaire de l’emploi, catholique).

Tandis que sans l’écrire, je ne résoudrais probablement pas cette situation . 

Notes:
  1.  Dans la religion catholique, selon la théologie thomiste, la contrition est « une douleur voulue de nos péchés jointe à la résolution de nous confesser et de donner satisfaction1 ». Celle-ci implique « une double douleur, une douleur de raison qui est la détestation du péché qu’on a commis, et une douleur de sensibilité qui est la conséquence de la première2 ». Saint Thomas précise « Le pénitent ne peut jamais être certain que sa contrition soit suffisante pour la rémission de la faute et de la peine et, par conséquent, il est tenu de se confesser et de satisfaire. Il y est d’autant plus tenu que la contrition n’est pas vraie, si elle n’inclut pas la résolution de se confesser, résolution qui doit aboutir à une confession effective, à raison aussi du précepte obligeant à la confession3 ».  []
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