magie de Noël

Publié le Catégorisé comme brouillonne de vie Étiqueté , , , , ,

Noël. Ca ne s’était pourtant pas trop mal passé. Jusqu’à ce que je craque, une fois la fête finie. Mais, avant ça, les préparatifs, tout ça. Les cadeaux. J’en ai même fait plus que d’habitude. Surtout à Frédéric. Des livres essentiellement. Et Jules avait tenu à faire le repas de Noël. Je l’ai secondé. Il avait également eu cette idée de faire un grand nettoyage de la maison, à la japonaise. Je l’ai secondé également. Dans les faits, il s’est moins agi de nettoyer que de faire du rangement. Tout de même, il a fait les poussières. Puis, comme se rapprochait l’échéance de la fête, il est devenu inquiet, très inquiet. À l’idée que ça puisse mal se passer. Il y avait eu trop de discussions à propos de la présence ou l’absence de son frère et de sa sœur. Je l’ai rassuré. Mais pas complètement. Sont venus Stan et son amie. Stan, fils de Frédéric. Pas Nina. C’était peut-être la source de l’inquiétude. Non. J’étais, moi, inquiète à ce propos. Et suis arrivée à combattre cette inquiétude. Jules après la fête était rassuré.

Magie de Noël, angoisse de Noël.

J’ai dit à Frédéric et Jules combien je tenais à Noël. Combien j’aimais tout de Noël. Comme on discutait de tout ça. Combien j’aimais tout ce qui brille alors et les cadeaux, les emballages et les rubans, les dorures, les décorations, les guirlandes, les lumières qui clignotent. Aussi, les verres en cristal les assiettes à liseré d’or les couverts en argent les nappes. Les mandarines. Les bougies, les anges.

Je n’ai pas parlé de la façon dont j’ai aimé autrefois tous les préparatifs avec ma tante. Auxquels j’ai tellement repensé cette année. Les préparatifs dans la grande maison, l’agitation. Les paroles à voix très haute. Ma tante, la seconder, l’aider. L’arbre de deux mètres de haut, la crèche et les bouquets à l’église.

Les cadeaux que j’apportais de Bruxelles, que j’avais achetés, emballés.

L’énorme soin toujours porté à l’emballage. Aux étiquettes de noms.

Je pourrais faire artiste d’emballage de cadeau. Les Japonais aussi aiment les  emballages.

Pour moi, c’est le plus beau du cadeau.

Après on le déchire. Ou on essaie de ne pas. On déballe très lentement. Ma mère. Déballait très lentement. Soulevait précautionneusement le scotch pour ne pas abîmer le papier. Faire durer, préserver, agacer un peu l’entourage. Magie du déballage. 

Je n’y mets plus autant de temps de cœur, aujourd’hui, ni d’angoisse. Un peu comme ça en toutes choses. Mais toujours, un peu. Joie de la main qui passe sur un pli bien fait. 

Nous sommes arrivés à faire le sapin. J’ai commencé, Jules a continué. Avec les années, j’ai fait des progrès, pour ne plus souffrir de ça, la comparaison avec le passé. Beaucoup de progrès. Cette année l’arbre était de travers. C’est un peu douloureux. Tous les ans, j’essaie de ne pas en avoir. Jules a voulu. Moi, c’est trop d’angoisse. Mais, je maîtrise. De mieux en mieux. Cette année probablement la première fois que j’ai pu dire que j’aimais ça. Plutôt que d’être angoissée. Dire aussi combien c’était important les cadeaux. Important, angoissant. Tout ce que l’on met là-dedans. Et rien qui soit vraiment à la hauteur, finalement.

À propos de Noël, j’ai écrit à N : fête où l’on peut faire savoir aux autres combien on tient à eux. C’était très gentille lettre. À cause de ses silences. Elle viendra le 2 ou le 3, avec sa fille. 

Souvent, il m’a été impossible d’acheter cadeaux.  C’est devenu quelque chose de contre-nature. Je pensais en ces termes : réduite, condamnée à rien donner.

Pourtant, quand Noël arrive, l’envie se fait grande, pressante, de faire des cadeaux. J’en cherche. Je fais les magasins. Je préfère faire les magasins, plutôt qu’internet. Il me semble que ça demande ça, un cadeau, ça demande qu’on se déplace, qu’on y mette du sien, que ça coûte;. Mais dans les magasins, toujours, il y aura un moment où je doute, où je me mets à douter. Et où je vais remettre les cadeaux préalablement, et longuement, choisis dans les étalages. Alors tristesse, égarement. Les épaules très lourdes, les jambes. On se traîne, on est égaré.

Cela dit, d’une façon générale, aucun objet n’est facile à acquérir.

Ça n’a pas toujours été comme ça. A l’époque des grands Noëls chez ma grand-mère, je me souviens d’une année où le Bon Marché – de Bruxelles -, avait ouvert pour la période des fêtes une section indienne. De bric-à-brac indien (hindou). J’avais trouvé là des cadeaux pour tout le monde. J’étais enchantée moi-même. Et ça brillait comme il fallait, et ça n’était pas très cher, et j’avais volé tout l’argent que j’utilisais pour faire une quantité incroyable de cadeaux. La famille de ma mère est très grande. Mais, probablement je n’avais fait d’achats que pour mes trois cousins, mes deux frères, mes parents, ma grand-mère, quelques tantes. Titi. Plein de cadeaux. Tous amoureusement emballés. Étrange tout de même que mes parents ne m’aient jamais interrogée sur la façon dont je payais ces cadeaux, sur l’argent volé.

Les paillettes indiennes, les odeurs, les couleurs, les bois. Oui, j’avais peut-être même acheté l’un ou l’autre petit meuble.

Sans angoisse, contente, affairée.

J’étais à mon élément.

Je ne sais pas quand c’est devenu impossible de donner, quoi que ce soit. 

Ni quel âge j’avais alors. Quinze ans peut-être. Seule dans les grands magasins. 

Peut-être les difficultés pour donner me sont venues quand  je me suis arrêtée de voler de l’argent à mes parents. 

J’ai beaucoup volé, en fait beaucoup volé pour donner. 

J’ai pensé Kleptomane.

Volé à ma mère sa bague de fiançailles pour la donner à une fille de la classe, à Renée Avial. Je crois que les parents de l’enfant l’avaient rendue à mes parents.

Je faisais leurs poches, à mes parents. Dans leurs manteaux au porte-manteau. Dans le portefeuille de ma mère.

Un jour j’ai écrit une lettre, un mot, où je leur promettais solennellement de ne plus voler. Je l’ai mise sous enveloppe, je la leur ai donnée. Et je n’ai plus volé.

Je n’ai plus acquis grand chose non plus.

Certainement je fais ici un raccourci.

Par Iota

- travailleuse de l'ombre

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