que j’ai moins affaire au trou de l’impossible à dire qu’au mur (manquant) de l’interdit (à dire), qui est toujours à dresser

Publié le Catégorisé comme brouillonne de vie

Six heures du mat, réveillée par le chat vers quatre heures.
Les mots qui viennent à mon esprit fatigué, rincé.

Que j’ai moins affaire au trou de l’impossible à dire qu’au mur à dresser de l’interdit à dire. De ce qu’il n’y a pas à dire. Ou de ce qui n’est pas à lire par d’autre que moi ou/et un analyste ?
Comment le dresser ce mur ?
Comment ne pas dire ce que je dis ?
Pour devenir entendable, lisible.
Moi qui suis forcée à une écriture à raz-du-réel ?
Ce mur, je l’érigerais, qu’est-ce qui viendrait s’y écrire ? Quel tag, signature, de choc slogan ? S’y coller quelle affiche ? Et qui le lirait ? Quel anonyme mur.

Il me semble que je suis moins en butte à un impossible à dire qu’à un trop à dire. Déjà trop dit, trop écrit. Toujours à taire, à cacher. Que je ne trouve pas le moyen de dissimuler.
C’est très clair.
Ce que j’écris n’est pas à lire.
Tout est trop nu.
Il n’y a pas de mensonge, pas de vérité.
Je ne pourrais qu’ajouter, à chaque mot, Ne me crois pas. Tandis que c’est la fiction même qui me manque dans ce que j’écris , à laquelle je ne crois pas ? Quel panneau Attention fiction manquante?
Comment insérer dans ce que j’écris la distance qui pourtant existe de moi à moi. Elle existe mais elle disparaît dans l’écriture, happée, aspirée.
Comment non pas avoir le courage de parler mais la force de se taire, le courage. Puis alors mourir et emporter le secret dans sa tombe.

Est-ce que se hisser à hauteur du réel pour de vrai, ça ne serait pas s’en tenir à la confidence.

Se défaire de l’obligation universelle.

Se glisser dans le goutte à goutte de ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire.

Moi que la honte toujours de ce que j’écris séparera d’une signature.

Six heures de l’aprèm.

Ai-je à voir qu’il n’y a pas d’interdit, qu’il n’y a que de l’impossible?
En suis-je à mettre de l’interdit là où il n’y aurait que de l’impossible?
Enfin, je le sais, tout ce que je n’écris pas. Non parce que ce serait impossible, mais parce que c’est inacceptable. Ce le serait. Quelle est la nature de cet inacceptable? Et parce qu’il m’est arrivé d’écrire certaines choses que tenais à écrire, que je cherchais à écrire, que j’ai écrites alors sans les travestir, mais non sans obstacle, et qui ont alors ont manqué de discrétion, dirai-je, ou de pudeur, ce qu’il ne m’apparaissait d’ailleurs pas toujours, et il est arrivé qu’on me dise : ça, ça ne se dit pas, ça se garde pour soi. Cela, cela existe.

De quoi s’agit-il ? Ne s’agit-il d’interdit? Est-ce de pudeur que je manque ? De délicatesse? Il m’est arrivé de dévoiler des choses qui n’auraient pas dû l’être.

Je continue de penser que je me coltine davantage un trop à dire qu’un manque. Et que ce trop qui me déborde et me fait honte, qui me donne un sentiment de nudité, je ne trouve pas le moyen de le vêtir, le travestir.

Cette nuit, à l’aube, je parlais de mur. C’est un mur que je dresse en ne publiant pas, en ne cherchant pas à me faire connaître, en n’assumant pas ce que j’écris. Ce que j’écris n’est pas impossible, c’est de lier à moi cet écrit qui l’est. Et c’est un mur que je voudrais dresser, ou une frontière, un obstacle, avec ce qui ne doit pas être écrit. Il y faudrait une intelligence. A quoi est-ce que je ne renonce pas, à quoi est-ce que je dois renoncer?

C’est moi qui voudrais arriver à trouer l’écriture, à indiquer son manque. Cela dit, quant aux choses qui ne peuvent pas l’être, écrites, sinon à blesser l’autre, elles le pourraient, prises dans une fiction, camouflées.

Je ne cherche rien d’autre qu’à dévoiler un secret qui me hante, dont je ne sais finalement pas grand chose, et à le camoufler tout aussitôt. Ou à parler, indéfiniment, espérant que ça finisse par sortir, de façon présentable, or ça ne le sera jamais.

A moins qu’impossible veuille dire : inavouable.

A moins qu’il n’y ait de secret que de l’aveu.

Par Iota

- travailleuse de l'ombre

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