Mon identité tient mal. Ou tiendrait mal. Parce qu’il y a un moment où quand l’identité tient mal, le sens ne tient plus très bien la route. À moins que ce ne soit le contraire. Parce que le sens ne tient pas, l’identité ne tient pas. Mais je ne pense pas. C’est depuis ce problème de départ avec ce que serait mon identité que le sens s’est pour moi souvent teinté de doutes, voire s’est annulé, annihilé.
Je précise que c’est là où l’identité tient à un nom, à un prénom accolé à un nom de famille, un patronyme, que cela me pose problème. Je n’arrive pas à relier ma personne, qui existe bien pour moi, à mon nom. Quelque chose en moi s’y refuse. Ce nom, dont il est cependant usé dans les administrations, les hôpitaux, les invitations, par les amis, par des vendeurs, pour des colis ou des factures, est pour moi comme une enveloppe vide, morte. Dans les lettres cependant, dans la correspondance, cette enveloppe trouve tout son sens. S’anime, vibre, vit. Et me remplit et se remplit.
De même à chaque fois que je suis nommée, quand il ne s’agit pas de l’appel dans une cour d’école, par exemple, c’est comme si je recevais une nouvelle fois mon nom, un nom. C’est un baptême à chaque fois. Un tressaillement. Alors, l’enveloppe rejoint sa lettre, le contenant son contenu…
Attacher mon nom à ma personne me pose un problème. Sans que je sache vraiment lequel. Sans que je le comprenne. Une étrangeté.
Une vie vouée à l’anonymat.
Il est possible qu’un jour je trouve une explication à cet état de fait, peut-être plus commun que je ne le crois. Dont on imagine mal ce qu’il peut entraîner comme handicap dans l’accomplissement de sa vie.
Il aurait fallu que je me fasse un nom, que je me fasse ce nom. J’ai été tentée souvent d’en prendre un autre, un pseudo, un nom d’artiste. Mais curieusement alors mon identité me paraissait tronquée. Divisée. Et c’était comme devoir assumer deux vies différentes. Dont l’une n’est pas la mienne.
Exactement comme si le manque d’adhérence à mon nom m’identifiait plus authentiquement qu’aucun nom. Mon manque à mon nom. Était ce qui réclamait reconnaissance.
En même temps, je me connais en tant que Véronique Müller. Intimement. Je me reconnais. Et peut-être que les années d’analyse ont-elles servi à cela, dans le secret du cabinet, nourrir l’identité, le nom – le symptôme. Et qu’il faudrait que j’examine à quel endroit, à partir de quelle zone limite, ça ne fonctionne plus, l’usage du nom. À moins que je ne le sache déjà.
Le symptôme n’est pas ce qui trouve à s’inscrire, à s’insérer le plus facilement dans le discours contemporain.
Mon nom traînerait toujours avec lui le poids de l’intime, dont il ne se départirait pas.
Contrairement donc à ce que j’affirmais d’abord.
Non pas étrange, mais trop intime.
Que je m’y sois liée par la psychanalyse et par l’intime, le réel. Le secret.
Du coup lui aussi toujours trop nu. Pour les mondanités trop légèrement vêtu.
Du coup, plutôt que dans les astres, je parlerais d’ancrage du nom dans la matière de qui s’est tramé, de ce qui a pu se tramer d’histoires autour et au départ de son réel, ce qui au fil des séances s’y est brassé et accordé de jouissance, venant s’inscrire à même le corps, faisant chair.
* « Du symptôme à son épure : le sinthome » de Jean-Guy Godin repris dans le Joyce avec Lacan de Jacques Aubert, que l’on peut lire là :
https://excerpts.numilog.com/books/9782868270498.pdf
(Où chaque exception réclame sa loi, cherche le couvert de la loi, là où le symptôme peut trouver à s’inscrire dans la loi comme exception.)
Atelier Laura Vazquez