lundi 24 avril, 8h6

Publié le Catégorisé comme brouillonne de vie Étiqueté

Bjr, 

Je suis l’amie de FM, je m’appelle Véronique.  

Ma mère est atteinte d’alzheimer et vit seule chez elle. 

Elle a des aides qui viennent plusieurs fois par jour.  

Des événements récents, un cambriolage et le fait qu’elle soit maintenant enfermée dans la maison ce qui l’empêche de passer sa tête à l’extérieur et de renifler l’air de la rue et saluer éventuellement l’un ou l’autre passant, semblent avoir aggravé la maladie, m’obligeant à venir séjourner chez elle, où je suis maintenant, plusieurs fois récemment. Mes frères, qui habitent à Bruxelles, sont au bord du burnout. 

Nous voulons éviter de la mettre en maison de retraite. 

Parce que les repères de sa maison, les murs, les meubles, paraissent êtres les seuls qui lui restent.  Et notre présence quand nous sommes là, la connaissance que nous avons de ses habitudes, scrupuleusement entretenues depuis des années. 

Je ne trouve pas de littérature sur cette maladie. 

Un article parle de maladie de l’oubli, de suicide mental.  

Je ne sais pas s’il y a des trucs pour la ré-intégrer dans le monde.  

Je constate qu’elle apprécie les moments où je la mets au lit par exemple, où l’on circule dans la maison, où l’on est dans des choses très quotidiennes sur lesquelles il lui reste encore des mots à mettre, à dire. Et des choses à faire.

« Est-ce qu’il y quelque chose que je vais faire maintenant avec toi ? » me demandait-elle lors de mon précédent séjour. 

À un autre moment, où son trou d’oubli paraissait s’être enfoncé de plusieurs lieues, elle m’a demandé si quelqu’un savait qu’elle existait, plusieurs fois. 

« Est-ce que quelqu’un sait que j’existe? » 

J’essaie de lui demander des choses. De l’aide pour la vaisselle, par exemple. 

Elle s’en étonne et s’en satisfait.  

Est-ce qu’il existerait des jeux ? 

La conversation est difficile. Elle n’a pas confiance en elle et il me semble qu’en ce moment elle comprend de moins en moins. Il arrive que je parvienne à la surprendre, si j’arrive à lui poser une question sans présumer de sa maladie, en la traitant comme une personne « normale », comme elle était avant. Quand nous sommes à trois, c’est plus facile. Du moment qu’on fasse attention à ne pas trop l’exclure, je dirais. 

Tout cela serait plus facile si elle vivait avec l’un d’entre-nous, dans un environnement plus familial, mais ce n’est pas comme ça. 

Les aides ont tendance à l’infantiliser, à faire les choses à sa place. C’est plus rapide, mais c’est une perte pour elle. 

Elle a été très seule pendant des années.  

J’ai lu des choses affreuses sur l’évolution de cette maladie. 

Ma mère est née en 1935. 

Je sais que Frédéric avait pu parler avec vous de sa mère. 

Il y a 2 maisons de retraite qui paraissent possibles. L’une se réclame de Montessori, dans l’autre j’ai vu des vieux rire et venir me parler. La deuxième, m’a parue plus souhaitable. Mais que font-ils avec les pensionnaires difficiles ? Dans quel état sont-ils derrière les portes fermées de leur chambre ? Dans la premier, ils disaient n’avoir jamais recours à des contentions chimiques ou physiques. Mais un avis Google disait que les soignants directs n’étaient pas du tout motivés, ignoraient tout des dossiers, n’étaient nullement impliqués dans l’esprit Montessori qui n’animait finalement que l’équipe de direction.  

Enfin… 

Je ne sais même pas que vous demandez. 

S’il existe une littérature, des axes de recherche, peut-être ?  

Véronique  

Suite à la conversation par Messenger qui s’en est suivie, j’ai annoté quelques photos avec les noms des personnes qui y figuraient, et écrit quelques papiers où je dis les grands faits de sa vie rapidement, de sorte qu’en cas d’oubli, et si elle était seule, elle puisse s’y référer. Elle a alors circulé avec ces papiers et s’est endormie dans le canapé au son de Mozart et les lisant. Dans sa main gauche, une photo d’elle et de mon père, de moi bébé. C’est ce qui a motivé les photos que j’ai faites.

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