jeudi 2 janvier 2020 · 09h05

Langagement

Paris, repartons vers Bruxelles tout à l’heure

Chester vient de me labourer le ventre pendant 10 bonnes minutes, voire plus, je n’osais pas le repousser, il s’est maintenant couché sur moi, la douceur de son pelage me soulageant des griffes qu’il m’a faites au ventre.

Je voulais écrire, au lieu de quoi j’ai passé du temps sur Instagram.

Il faut que je trouve du courage pour faire ce qu’il y a à faire.

Je lis maître Tchouan et c’est tout le contraire de ce à quoi nous sommes dressés.

(tentative)
Je suis
Celle
Qui ne veut pas
Faire
Ce qu’il y a
À faire.
Je dé-fais.
Je non-fais.

Il y a ce qu’il y a à faire
Et il y a moi

Je ne peux rien faire
De ce qu’il y a à faire

Chère HB,

Je voulais vous dire, se peut-il qu’un jour je puisse échapper à cette volonté en moi de détachement, désengagement, séparation.

Se peut-il que je comprenne ce qui anime mes pensées, me pousse à trouver les mille raisons plus valables les unes que les autres de me désister.

Quel est ce désistement ? Cette impossibilité pour moi de me maintenir dans le moindre engagement ? Pourquoi faut-il que ce soit si douloureux ? Qu’est-ce qui ainsi me pousse à me rétracter?

Comment avancer en dehors de tout engagement vis-à-vis d’un autre quelconque ?

Et ne suis-je à moi-même mon pire autre ?

Le Tao serait comme une voie possible pour le désengagement, pour échapper à la contrainte de l’engagement. Car le Tao toujours ramène au réel, à la chair des choses. Ma vie passée à me battre contre mes pensées.

Qu’est-ce que recouvrirait l’engagement ?

(drôle de penser, à écrire cela, que ce qui m’est reproché en tai chi, c’est justement de « ne pas m’engager » , « l’engagement » consistant, au moment du coup, à porter 30% de son poids dans la jambe avant, dans la jambe libre, au moment du coup, à libérer la jambe d’ancrage dans le sol, la jambe d’appui, de 30 %. Il ne s’agit certainement que d’une pure coïncidence, que ce soit ce mot-là qui aie été choisi pour désigner ce mouvement. )

L’engagement est le nom de ce qui me lie à l’autre dans le symbolique (dans le langage, dans la parole). Cet engagement se transforme pour moi rapidement en pure contrainte de désengagement, de soustraction.

Comment soulager la part d’observation, d’auto-observation, de jugement, qu’implique un engagement dans le symbolique quel qu’il soit ? Pourquoi faut-il que cela tourne à la persécution? Comment formuler cela ?

(je ne vois de voie que celle de la poésie. Il n’y aurait de voie, possible pour moi, que celle de la poésie, celle propre à la poésie. Avancer là où ça n’offre aucune résistance. Comment cela s’appelle, quand une chose peut être dite, dite dans sa singularité, son unicité, son exception, sans que son contraire ne soit seulement évoqué. Dire l’amour sans offusquer la haine. Dire l’instant de connaissance sans faire honte à l’ignorance. Appeler la mort et que ce soit la vérité de la vie. Une chose et son contraire sans que tout l’être s’en offusque. Où cela arrive-t-il qu’une porte soit à la fois ouverte et fermée. Cela n’arrive que par le langage. L’impossible du langage n’est rendu possible que par le seul langage, du moment qu’il s’incarne. L’hallucination arrive par la rencontre du corps et du langage. Ce que j’appelle faiblement l’hallucination est ce qui en nous nous porte à dépasser perpétuellement les limites du langage qui dépassent perpétuellement celles de la réalité. La réalité cependant ne tolère pas qu’une porte soit à la fois ouverte et fermée. Tout me sépare d’une porte ouverte, ce qui m’ouvre à elle, c’est sa portée métaphorique, la capacité du langage à ouvrir en moi l’ouverture de cette porte sur tous les possibles (qui sont autant d’impossibles), aussi bien que sur sa fermeture. Aussi l’ouverture de la porte peut-elle m’éclater, dans tous les sens du terme, que je n’aie d’autre ressource pour revenir de ce fol éparpillement que de tenter de rejoindre la porte, dans son degré exact d’ouverture, unique, dans son ignorance même de la signification de l’ouverture, dans son ignorance d’elle-même. Revenir à la chair de la porte, au silence de ma propre chair, me désengager du langage qui m’avait ouvert trop de possibles. Revenir à la porte en deçà du langage. )

Langage ment.

Ce qui lie le langage et la réalité. Le réel de ce qui lie le langage et la réalité.

vendredi 29 janvier 2021 · 07h48

29 janvier 2021 7h48

Hélène Parker, 
 
Je pensais à diverses choses, en me réveillant. 
Je n’ai jamais compris l’imaginaire de Lacan. Je n’ai jamais compris ce que pouvait être une relation dite imaginaire. Quand un ami intéressé aux choses de la psychanalyse me disait C’est imaginaire ! Je ne comprenais pas. Autant j’ai le sentiment d’avoir perçu ce que c’était le symbolique ou le réel, autant l’imaginaire me paraissait flou. 
Lorsque j’ai appelé, en séance, F du nom de F..réronic, quelque chose de ma colère contre lui est tombé. J’ai pensé : Si me fâcher sur lui, c’est me fâcher sur moi… ça n’en vaut même plus la peine. S’il est le représentant de ce que je déteste en moi… 
Je le lui ai rapporté, ce lapsus. Il m’a remerciée. 
Quelque chose se révélait de ma relation à lui. Est-ce que c’est cela la relation imaginaire? La relation en double. A laquelle manque le manque, où 2 = 1.

Or, me réveillant ce matin je pensais aux hommes que j’ai connus. Ceux qui m’ont le plus touchée, affolée, il a toujours fallu qu’il soient me soient perdus. Ca se passait dans la séparation où j’étais d’eux, dans la coupure. Je ne sais plus comment je suis arrivée à penser ça. 
Concernant F, j’ai pensé au moment où  l’un d’entre nous tomberait malade, mourrait. 
Comme s’il fallait qu’une coupure réelle vienne à suppléer au manque de coupure de la relation imaginaire, en double. Cette coupure (cette séparation, cette perte), et la fête lorsque les peaux se touchent, comme si la peau même devenait le lieu de de cette perte, le gouffre, pendant des années ça m’a interrogée. 
Je ne dis pas que j’en aie trouvé le fin mot ce matin. 
Cette séparation encore se célèbre dans les lettres.
Mais, ça se conjugue aussi, et j’en suis triste, un peu, avec ce que je vous disais de l’extraction. Qu’il aurait fallu, qu’il faudrait, pour que je fasse un livre, que je puisse, du corpus de ce que j’ai écrit, extraire quelques pages. Que cela m’avait toujours paru impossible. 
De même, lorsque j’écrivais le blog, qui a été au plus proche de ce que je pourrais produire, comme œuvre d’art, je me disais : Il ne faut pas coucher sur le temps. Car c’est dont ce qu’il s’agissait pour moi, avec le blog, de « se coucher sur le temps », de faire bloc, blog avec lui. Faire corps. Et ça me paraissait d’une nature contraire à celle de l’œuvre d’art. (L’oeuvre d’art est un objet séparé pas un objet qu’on tient au fond de sa poche, pas un chapelet sur les granins duquel court la main.) Si j’avais pu alors, au temps du blog, au début, supporter la reconnaissance, si j’avais pu le faire en mon nom, peut-être serais-je devenue artiste. 
 
F a acheté deux belles gerbes de fleurs pour sa mère. 
La jeune femme des Pompes funèbres a demandé ce que nous voulions écrire dessus. J’ai parlé de sa « gentillesse infinie » et de remerciements. F a bredouillé Oui, mais non, ce n’est pas ce que… J’ai compris qu’il voudrait inscrire quelque chose de lui… La jeune femme a dit, vous pouvez vous partager les couronnes. On a dit Oui. 
F a décidé d’écrire sur la grande gerbe rouge À ma mère. Et nous a demandé, par WhatsApp, ce qu’on voulait sur la petite (gerbe jaune). Et Stan a dit : À notre grand-mère ? Et F a dit OK. 
Rêve Il y a deux nuits, j’ai rêvé que j’avais la maladie de ma belle mère et que j’allais mourir, rapidement. Je demandais à ma mère d’appeler les urgences mais elle me disait qu’elle ne pourrait pas. J’essayais d’appeler moi-même, mais lorsque je les ai eus en ligne, ma voix sortait très bizarrement, sortait de moi, j’entendais les mots que je m’arrachais péniblement (des mots de papier chiffonné, je crois que j’ai dû tenter de les dire dans mon sommeil, les dire réellement, et entendre cette voix de rien du tout), et je n’arrivais pas à dire ce qui m’arrivait, qui justifiait l’urgence. Je me suis réveillée.
La professeur de français de J nous dit qu’il extraordinairement talentueux dans le maniement de la langue. J’ai dit à F que c’était sans doute nous qui ne le reconnaissions pas suffisamment, là. Il a dit que oui probablement. 
Enterrement demain matin. 
 
VM 
 
NB : J’aimais ma belle-mère et elle-même m’aimait vraiment beaucoup. Je le sais bien.
 

Envoyé depuis mon téléphone

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