séance, 8 mars 2007

Publié le Catégorisé comme brouillonne de vie, séances

En arrivant, je reviens sur la séance précédente. Comment depuis cette séance, je ne me sens pas bien. Ce que j’y ai dit, ce qu’il a dit, sur quoi il revient. Dit qu’il n’aurait pas dû dire ça, n’aurait pas dû dire qu’il ne fallait « jamais en rabattre sur l’œuvre ». Que ça portait trop à l’idéalisation. J’explique que l’œuvre est pour moi un mot impossible. A cause du père que j’ai eu ( moi, justement, « artiste sans œuvre »). Peut-être qu’il y aurait moyen, dis-je, de le rendre un peu plus possible, ce mot. Il acquiesce

[père avec œuvre, moi sans.]

Je parle des sempiternels doutes mis sur tout. De Frédéric, sa façon de ne vouloir s’en tenir à rien d’établi, de toujours faire table rase, dénigrer systématiquement les canons (de la beauté, de l’art). J’explique. Il dit « C’est cartésien ».

Je parle du soulagement que j’ai éprouvé en semaine, me disant que cette position n’était pas tenable tout le temps, qu’on ne pouvait pas tout le temps savoir, que précisément il y avait toujours un temps pour savoir et que le reste du temps c’était du souvenir, du souvenir de savoir, du reste, que cela suffisait. (A l’instant où j’écris ceci, je ne comprends plus bien ce qui m’a soulagée là-dedans, ni quelle serait la nature de ce reste.)

Je cherche à donner un exemple pour parler de Frédéric, je n’en trouve qu’un, très mauvais. Je dis qu’il pourrait par exemple remettre en cause Picasso, je choisis cet exemple là, parce que c’est un nom très connu, ce qui à certains égards semble être ce que principalement Frédéric aurait à lui reprocher, ce qui le rendrait suspect à ses yeux, de n’être avant tout qu’un nom. Et qu’il faudrait alors pouvoir lui démontrer que Picasso, au delà de son nom, c’est très bien. Ce que je n’arrive pas à faire. Même s’il a pu m’arriver de me sentir proche de Picasso, d’avoir donc « su des choses de Picasso », que j’aurais pu dire, dont j’aurais pu témoigner. Ce qu’il m’en reste de ce « savoir », la seule chose qui m’en reste, au moment où Frédéric me demande de prouver que Picasso c’est bien, c’est le souvenir de l’avoir aimé. Un reste d’amour en guise de preuve.

(Est-ce que ce souvenir d’amour est suffisant? Il ne semble pourtant pas. Or, il y a au moins un endroit où me semble-t-il nous nous rejoignons, Frédéric et moi dans notre appréhension des choses : c’est l’ignorance. J’y pense, après-coup, après-coup de ce que j’ai dit en séance. Nous serions dans la même qualité d’approche des choses, le même manque. Un savoir qui ne parie que sur l’amour, la sensation immédiate, l’oubli. Un savoir acculturé, séparé de l’histoire ( une « façon de savoir » que ne s’occupe in fine que de l’inconscient). Et la certitude que j’essaie de lever ici ne saurait tenir qu’à une question de culture. Mais bien d’histoire. Il y aurait dans la certitude une main tendue à l’universel. Enfin, qu’est-ce qui ferait le lien de l’histoire et de l’universel? Le temps. Nous n’aimerions que trop le particulier. Comment faire pour qu’il se rejoignent, le particulier et l’universel?

J’explique que j’ai souvent pensé qu’il fallait, au moment où l’on sait une chose, en témoigner, d’une façon ou d’une autre, qu’il ne fallait pas laisser passer ce moment. J’ajoute qu’aujourd’hui, mon sentiment a évolué. Que je ne suis plus aussi affectée du fait que rarement je ne partage, témoigne de ce que je sais au moment où je le sais.

Il me dit que ce dont je parle ressemble évoque le fonctionnement de l’inconscient, par battement. Me dit que si ma position a changé par rapport à ca, c’est que peut-être ma position a changé par rapport à l’inconscient. Je lui dis que c’est possible, mais que je ne suis pas sûre que ce soit en bien. C’est ce qui me fera penser au sortir de la séance que je suis effectivement amoureuse de l’inconscient et que je « cède sur mon désir de l’inconscient ».

Je lui parle de la question qui m’a taraudée pendant la semaine, si je n’étais pas quelqu’un qui pourrait céder sur son désir. J’essaie d’expliquer le lien entre ça et mes doutes. Qui ne laisse la place à aucune certitude.

Dernière phrase : « Mais est-ce qu’on ne peut pas s’accorder plus de certitudes ? »

En sortant, je me dis : Je n’ai pas à ma portée d’autre savoir que l’inconscient. Vous, disposez d’une autre forme, de savoir, moi pas. Trop amoureuse de l’inconscient. Et je pense alors que c’est à cause, ce serait à cause, ce pourrait être à cause de ce trop grand amour de l’inconscient, désir de l’inconscient, que je n’ai pas d’accès à d’autres formes de savoir. Une forme de savoir de type plus universitaire qui me permettrait de répondre à Frédéric, de parler à Frédéric de Picasso.

Plus tard, je pense qu’il faut s’accrocher. Il faut s’accrocher.

[L’inconscient et le doute pourraient fort avoir à voir, à faire ensemble. Le sujet de l’inconscient est le sujet du doute. Céder sur son désir pourrait n’être pas la même chose que céder sur son désir de l’inconscient. Il y a cependant un point de certitude au cœur de l’inconscient, un point d’attraction, que je connais bien. Dont j’ai le souvenir.]

Tout ceci est trop embrouillé.

Par Iota

- travailleuse de l'ombre

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