Réveil, petit samedi matin, au lit. Dans le noir, à côté de F.
- Je ne parviens pas à croire que je vivrai encore cela, le moment où Jules aura grandi et où il sera confronté aux difficultés que lui vaudra d’avoir trop aimé les jeux vidéo.
- Quelles seraient ces difficultés que j’imagine et comment se fait-il que je n’arrive dès lors pas à les prévenir, à les empêcher ?
- Il me semble que se sacrifie dans le jeu vidéo, que se voit sacrifié dans le jeu vidéo, ce que la psychanalyse m’a appris à considérer sous le vocable1 de désir« .
- Or, si le désir est en son fond désir de rien, le désir ne se trouverait dans le jeu vidéo non pas sacrifié, mais au contraire trop vite découvert et trop vite comblé.
(Trop vite découvert puisque c’est quelque chose dont il vaudrait mieux ne s’apercevoir qu’au terme d’une longue analyse;
trop vite comblé, et donc l’éteignant, puisqu’il serait également de la nature du désir de n’être pas satisfait. Un désir satisfait est un désir mort.) - Mais ce qui caractérise d’abord le désir n’est pas qu’il doive rester insatisfait ou qu’il soit désir de rien – cela, c’est « en son fond » , in fine, cela ne fait pas un début dans la vie. C’est qu’il trouve sa condition – qui ensuite déterminera sa nature – dans le manque. Le jeu vidéo manque de manque.
Le jeu vidéo me paraît manquer de manque. Trop satisfaisant. - En temps normal (la normalité désignant ici le discours qui me conditionne, conditionnement qui n’est pas celui de Jules), le manque de manque provoque l’angoisse. (Ici, citation Lacan) Ici, le manque de manque est jouissance.
(De mon côté j’ai, à force, pu distinguer un lien, une accointance, entre l’angoisse et la jouissance. Mais cela est encore très théorique et ne m’a encore guère servi à les supporter (sinon que j’ai survécu). ) - Quel manque donc manque, qui probablement me manque, aujourd’hui, pour que je ne puisse le donner à Jules ?
« L’amour, c’est donner ce qu’on n’a pas à celui qui n’en veut pas. « - Quel manque me manque, quel trop l’a effacé ?
- Ce manque serait au moins d’une sorte. Symbolique, il est manque de mot, il est le manque du manque des mots (qu’il me semble que nous éprouvons cependant, mais sans que cela ne nous manque suffisamment que pour nous mener à les chercher, les désirer.)
- Et peut-être pourrais-je le dire également manque de corps (mais j’y manque et ce serait comme un manque de trop, un manque en forme de trop. Théorique.)
Jules vient dans le lit, me lire par dessus mon épaule. Coucou Jules. BISOU.
Plus tard, dans le canapé.
Ce n’est pas tellement que je ne puisse supposer à Jules suffisamment de ressources que pour arriver à vivre, et vivre bien, au départ de ce qui fait son plaisir aujourd’hui, les jeux vidéo, c’est que le monde n’y est pas adapté ; et aura-t-il l’a force, l’intelligence, les ressources d’adapter le monde.
Il n’est pas du tout forcé qu’il doive passer par mes difficultés, puisque son début dans la vie est tellement différent du mien, mais – je ne sais plus ce que j’allais dire et je dois aller manger….
Notes:
- vocable (Définition du Littré)
vo-ka-bl’s. m.
Terme de grammaire. Mot, partie intégrante d’un langage.
Patronage, en parlant d’un saint.
Il existe à Vienne, sous le vocable de saint Pierre, une église élevée sur la place d’une basilique des premiers siècles, LEBLANT, Inscript. chrét. de la Gaule, t. II, p. 113.
HISTORIQUE
XVe s. : Le vocable [proverbe] que on dit, que : à celui à qui il meschiet, chascun lui mesoffre, FROISS., II, II, 159.
XVIe s.:
Vous dictes en vostre monde que sac est vocable commun en toute langue, RAB., v, 45.
Ignorant des frases et vocables qui servent aux choses plus communes, MONT., I, 103.
Dieu par nature a constituez les vocables pour les choses, non les choses pour les vocables, BONIVARD, Advis et devis des lengues, p. 55.
ÉTYMOLOGIE
Provenç. vocable ; espagn. vocablo ; ital. vocabolo ; du latin vocabulum, de vocare, appeler (voy. VOIX). [↩]