Ma mère veut se suicider

Lundi 5 novembre 2012

Bruxelles.

Rêvé que mère voulait se suicider.

Père rentrait à la maison, tard le soir, allait se coucher.  Mère vient alors me voir, voulait me donner moitié d’une certaine somme d’argent très importante qu’elle avait été retirer à la banque,  une fortune.  Je ne comprenais pas qu’elle me donne cet argent que je refuse, dont j’aurais pourtant bien eu besoin.  J’insiste pour savoir ce qui se passe, elle me dit les larmes aux yeux qu’elle voulait le faire avant que Jean-François ne revienne, qu’elle voulait se tuer.

Filiation maternelle

Avant ça, m’avait été apporté article d’une femme, d’aspect très bizarre, dont il y avait des photos à la fin de l’article, qui racontait comment la psychanalyse ou la lecture d’un article d’Éric Laurent avait changé sa vie.  Et comment elle allait dorénavant publier avec le nom de sa mère, psychanalyste, sans chercher à camoufler cette filiation.

Ma mère devient une amie, qui veut se suicider. Ce n’est donc plus à ma mère que je parle, mais à cette amie. Je lui dis : « Es-tu prête à…  faire un très gros travail, une très grosse dépense »… Je lui parle de la psychanalyse.  Je lui parle de mon expérience de la psychanalyse.  Je suis justement à ce moment là très sceptique sur la psychanalyse.  Dans un lettre, je viens d’ailleurs de parler de mes doutes à Miller.  Mais en même temps, j’hésite à lui proposer de la prendre moi, elle, en analyse.  Elle est interloquée.

Or je partais justement voir Miller.  Rue « d’Arras ».   Pour lui déposer une lettre.

Arrivées là, au pied d’une porte, une jeune fille voit un sac portant le nom de Miller qu’elle prend en main pour y trouver le numéro de sa rue.  Miller arrive justement les bras plein de livres.  Je lui dis qu’elle ne voulait pas voler le sac, mais trouver son numéro de rue, à cause de la lettre que je venais lui porter.  Il remplit le sac de livres et emporte beaucoup d’autres affaires (lampes, objets).  Il a l’air d’avoir des ennuis. Comme s’il s’en allait, quittait, cet endroit. Je l’aide à porter. Il me sourit.

N’arrive pas à lui parler pour lui dire: « Veux vous voir ne fût-ce qu’une seule fois pour discuter du suicide que veut faire cette jeune femme.« 

Le conduis à arrêt bus ou de tram, qu’il prend.  Là, finis par arriver à  obtenir un rendez-vous,  » lundi à 14h ». Le premier de sa journée vois-je dans son agenda.

Reviens vers la jeune fille,  lui dis.  Elle s’est commandé à manger maintenant.

Retour à Paris

Dormi toute la nuit. Pendant tout le séjour à Bruxelles n’avais pas bien dormi. Me réveillais avec de très affreuses pensées dont je n’ai su d’où elles venaient. D’être à Bruxelles ? D’avoir lu un article de G C sur son travail en institution qui m’avait paru si beau, si important que j’en avais une fois de plus pu prendre la mesure de mon regret de n’être pas psychanalyste.

A propos donc de Marcel Hanoun, hier au Saint-André des Arts

Le cinéma de Marcel Hanoun # Cinéma Le Saint André des Arts # 30, rue Saint André des Arts – 12, rue Gît-le-coeur 75006 Paris
New York Soft Hotel (0h09) – Le ravissement de Natacha (0h22) – Une simple histoire (0h35)

Au fond ce qu’il fait,  c’est se saisir d’ un événement d’actualité, rebondir dessus,  aller au  plus loin de ce rebondissement,  jusqu’à la fiction,  jusqu’à l’invention d’une fiction, l’écriture d’un film,  pour rendre compte de la répercussion sur lui,  l’écho en lui de cet événement,  et en donner alors un écho certainement différent, dissonant, de celui qui circule dans les médias. 

Mais pourquoi ce dont il a à parler,  doit-il passer par le commentaire –  qui est loin d’être un de plus,  qui est le seul de cette façon –  de l’actualité ?*

Voilà,  je ne sais pas exactement ce que ma question veut dire,  mais c’est ça. Peut-être le commentaire de l’actualité est-il vraiment irrésistible,  et convient-il alors qu’il se fasse en résistance à cette irrésistibilité ? Pour la vaincre ? Quelle est la prégnance des médias ? Des actus ?  Est-il possible de leur résister ? Que leur opposer d’autre que l’indifférence ou la fuite ? Que l’indifférence ou la fuite quand il ne semble plus qu’un simple positionnement politique droite/gauche,  auquel nous pourrions sembler réduits,  quand il ne semble plus que cette simple opposition droite/gauche soit adéquate ? Dans quoi nous retient-t-on par cette opposition ?  Et,  l’embarras où nous mettent les médias,  l’impuissance où ils nous acculent,  trouve-t-il son issue la plus heureuse à fonder cet « on »  au nom duquel je parle ici ?  A creuser la place de cette voix qui manque de ceux qui autrement sont parlés (réduits à être parlés)? (et si cette place existe,  cette voix doit-elle être prise,  cette parole,  et serait-ce alors ce que ferait Marcel Hanoun avec ses films.)

J’ai donc vu deux films hier de Marcel Hanoun,  en lien avec l’actualité,  d’époque,  la plus bruyante : l’affaire DSK (je n’ai pas aimé ce film), et l’affaire de cette petite fille enlevée qui grandit dans une cave avec son ravisseur et finit,  des années après,  par arriver à s’enfuir; le ravisseur se suicidant alors.  J’ai beaucoup aimé ce dernier film,  Le ravissement de Nathalie. C’est un film d’amour, une parole d’amour.

* Pourquoi faut-il que ce qu’il a à dire, il doive ou puisse le dire au travers d’un commentaire de l’actualité ?

quel manque me manque – où il est question du trop et des jeux vidéos

Réveil, petit samedi matin, au lit. Dans le noir, à côté de F.

  1. Je ne parviens pas à croire que je vivrai encore cela, le moment où Jules aura grandi et où il sera confronté aux difficultés que lui vaudra d’avoir trop aimé les jeux vidéo.
  2. Quelles seraient ces difficultés que j’imagine et comment se fait-il que je n’arrive dès lors pas à les prévenir, à les empêcher ?
  3. Il me semble que se sacrifie dans le jeu vidéo, que se voit sacrifié dans le jeu vidéo, ce que la psychanalyse m’a appris à considérer sous le vocable1 de désir« .
  4. Or, si le désir est en son fond désir de rien, le désir ne se trouverait dans le jeu vidéo non pas sacrifié, mais au contraire trop vite découvert et trop vite comblé.
    (Trop vite découvert puisque c’est quelque chose dont il vaudrait mieux ne s’apercevoir qu’au terme d’une longue analyse;
    trop vite comblé, et donc l’éteignant, puisqu’il serait également de la nature du désir de n’être pas satisfait. Un désir satisfait est un désir mort.)
  5. Mais ce qui caractérise d’abord le désir n’est pas qu’il doive rester insatisfait ou qu’il soit désir de rien – cela, c’est « en son fond » , in fine, cela ne fait pas un début dans la vie. C’est qu’il trouve sa condition – qui ensuite déterminera sa nature – dans le manque. Le jeu vidéo manque de manque.
    Le jeu vidéo me paraît manquer de manque. Trop satisfaisant.
  6. En temps normal (la normalité désignant ici le discours qui me conditionne, conditionnement qui n’est pas celui de Jules), le manque de manque provoque l’angoisse. (Ici, citation Lacan) Ici, le manque de manque est jouissance.
    (De mon côté j’ai, à force, pu distinguer un lien, une accointance, entre l’angoisse et la jouissance. Mais cela est encore très théorique et ne m’a encore guère servi à les supporter (sinon que j’ai survécu). )
  7. Quel manque donc manque, qui probablement me manque, aujourd’hui, pour que je ne puisse le donner à Jules ?
    « L’amour, c’est donner ce qu’on n’a pas à celui qui n’en veut pas. « 
  8. Quel manque me manque, quel trop l’a effacé ?
  9. Ce manque serait au moins d’une sorte. Symbolique, il est manque de mot, il est le manque du manque des mots (qu’il me semble que nous éprouvons cependant, mais sans que cela ne nous manque suffisamment que pour nous mener à les chercher, les désirer.)
  10. Et peut-être pourrais-je le dire également manque de corps (mais j’y manque et ce serait comme un manque de trop, un manque en forme de trop. Théorique.)

Jules vient dans le lit, me lire par dessus mon épaule. Coucou Jules. BISOU.

Plus tard, dans le canapé.

Ce n’est pas tellement que je ne puisse supposer à Jules suffisamment de ressources que pour arriver à vivre, et vivre bien, au départ de ce qui fait son plaisir aujourd’hui,  les jeux vidéo,  c’est que le monde n’y est pas adapté ; et aura-t-il l’a force,  l’intelligence,  les ressources d’adapter le monde.

Il n’est pas du tout forcé qu’il doive passer par mes difficultés,  puisque son début dans la vie est tellement différent du mien,  mais – je ne sais plus ce que j’allais dire et je dois aller manger….

Notes:
  1. vocable (Définition du Littré)
    vo-ka-bl’s. m.
    Terme de grammaire. Mot, partie intégrante d’un langage.
    Patronage, en parlant d’un saint.
    Il existe à Vienne, sous le vocable de saint Pierre, une église élevée sur la place d’une basilique des premiers siècles, LEBLANT, Inscript. chrét. de la Gaule, t. II, p. 113.
    HISTORIQUE
    XVe s. : Le vocable [proverbe] que on dit, que : à celui à qui il meschiet, chascun lui mesoffre, FROISS., II, II, 159.
    XVIe s.:
    Vous dictes en vostre monde que sac est vocable commun en toute langue, RAB., v, 45.
    Ignorant des frases et vocables qui servent aux choses plus communes, MONT., I, 103.
    Dieu par nature a constituez les vocables pour les choses, non les choses pour les vocables, BONIVARD, Advis et devis des lengues, p. 55.
    ÉTYMOLOGIE
    Provenç. vocable ; espagn. vocablo ; ital. vocabolo ; du latin vocabulum, de vocare, appeler (voy. VOIX). []

Bénédicte Henderick à la galerie Catherine Putman

« La galerie Catherine Putman expose pour la première fois à Paris le travail de Bénédicte Henderick.

Née en 1967 en Belgique, Bénédicte Henderick vit et travaille à Bruxelles. Elle peint, dessine, réalise des installations et des objets entre design et sculpture. Le dessin tient une place très importante dans son œuvre et se développe avec une grande variété de techniques et de supports: papier, carton, toile marouflée ou même, ici, cartes à jouer.

«Corpus I» est la suite du projet « Préface » commencé en 2012 et qui s’inscrit dans la suite de sa dernière série «Camina Ando». Le corpus se développera en plusieurs temps avec la phase initiale – ou premier chapitre – à Paris. Les complices choisis pour ce premier développement sont Tadao Ando, Maurice Blanchot, Jacques Lacan et Francis Picabia.

Il ne s’agit nullement d’un travail illustratif : il n’y a ici ni référence explicite, ni citation directe; Bénédicte Henderick nous propose des œuvres qui, par un jeu d’association et suggestion, se réfèrent à ces auteurs et artistes qui l’accompagnent depuis toujours.

«Camina Ando» : alter ego de l’artiste, personnification d’un cheminement personnel et, par analogie, filiation à Tadao Ando. Telle est son approche originale et personnelle dans ce «Corpus» où chaque œuvre renvoie à l’une ou l’autre de ces personnalités.

L’approche du dessin pour Tadao Ando est très construite avec une érotisation implicite, plus conceptuelle et proche de l’indicible pour Maurice Blanchot, plus «nodale» avec Jacques Lacan et une expression jouissive et décomplexée pour Francis Picabia. » (communiqué de presse de la galerie)

Liens :
http://www.catherineputman.com/artistes/henderick.html
http://www.benedictehenderick.com/

grande carte - silhouette d'un  couple enlacé

Carte. Couple enlacé, debout, les bras de la femme autour du cou de l’homme, plus grand qu’elle, comme il se doit. Point rouge au centre de la carte, à l’endroit de la réunion des sexes. Silhouettes nues, un ruban noir les enlace, plus ou moins flottant autour de leur taille. Un autre ruban noir, plus large cette fois, descend sous le coude élevé de la femme, en prolongement de ses cheveux, à moins que ce ne s’agisse encore de ses cheveux, sur lequel est dessiné le point rouge, camoufle le visage de l’homme réfugié dans le creux de l’épaule de la femme.

 

grande carte - tête de Möbius

Grande carde. Silhouette noire d’un homme habillé et chaussé se tenant debout, pieds légèrement écarté, sur fond de ce qui pourrait s’apparenter à une pupille de couleur rose au centre d’un iris jaune (!), ou d’un soleil rose irisant sur fond jaune d’or, un ruban s’élevant d’entre ses épaules, lui fait office de tête, retombant en crochet qui se prolonge en escalier, une ou deux marches donnant dans le vide, dans lequel est pris un ruban de moebius.

[Imaginé par le mathématicien August Möbius (1790 – 1868) en 1858, le ruban de Möbius est une surface qui a la particularité de n’avoir qu’un seul côté et qu’une seule face. Le ruban de Möbius s’obtient en recollant deux côtés opposés d’une bande rectangulaire à laquelle on fait subir au préalable une torsion d’un demi-tour. _ Wikipedia]

 

paire de cartes (petites) - pont arrière, escarpin rougedeux cartes, l’une sur fond rose l’autre sur fond vert. sur fond rose un escarpin rouge à talon haut, de profil, sur le fond vert, le tracé d’une silhouette qui prend son départ d’une position en « pont arrière » (gymnastique), se décomposant pour se relever, suivant celle tracé d’une flèche qui s’élève pour aller vers le droite, le buste se relevant. la décomposition du mouvement des jambes n’est pas donnée, seul celui du buste. le visage est tracé grossièrement, le nez en pomme de terre, le franc sourire d’un simple trait, des billes pour les yeux.

doublet de cartes roses

 

C’était lors de mon premier arbre, / J’avais beau le sentir en moi / Il me surprit par tant de branches, / Il était arbre mille fois. / Moi qui suis tout ce que je forme / Je ne me savais pas feuillu, / Voilà que je donnais de l’ombre / Et j’avais des oiseaux dessus. _ Jules Supervielle
C’était lors de mon premier arbre, / J’avais beau le sentir en moi / Il me surprit par tant de branches, / Il était arbre mille fois. / Moi qui suis tout ce que je forme / Je ne me savais pas feuillu, / Voilà que je donnais de l’ombre / Et j’avais des oiseaux dessus. _ Jules Supervielle


carte 1 : silhouette, contour noir d’un visage sur fond vert pâle ; silhouettes pleine de 2 oiseaux noirs sur un (demi) fil. carte 1 : L’intérieur du visage est blanc, traversé d’une veinure noire verticale d’où partent ou aboutissent des traits pouvant évoquer les nervures d’une feuille.

carte blanche, carte noire the story of you and me - 2 the-story-of-you-and-me

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« Disons que le désir, c’est la dynamique du réel tandis que la jouissance prend le réel comme immobile, comme invariable. »

« Disons que le désir, c’est la dynamique du réel tandis que la jouissance prend le réel comme immobile, comme invariable. » Jacques-Alain Miller, 10 février 2010 (Cours « Vie de Lacan »)

« N’abandonne jamais un texte avant d’en avoir compris à fond chaque mot, chaque cas, chaque détail de grammaire. »

Au commencement fut le verbe. Amo, Amas, amat me servit de Sésame, ouvre-toi: « apprendre ces verbes d’ici vendredi » fut l’essence de mon éducation; peut-être que cela constitue d’ailleurs, mutatis mutandis, l’essence de toute éducation. J’appris aussi, bien entendu, ma propre langue, demeurée jusque-là idiome étranger dans une certaine mesure. J’appris de M. Osmand comment écrire la meilleure langue du monde avec précision, clarté et, pour finir, une élégance sans faiblesse. Je découvris les mots, et les mots firent mon salut. Je n’étais pas un enfant de l’amour, sinon dans une acception très altérée de ce terme ambigu. Je fus un enfant du verbe. ( p. 32)

« N’abandonne jamais un texte avant d’en avoir compris à fond chaque mot, chaque cas, chaque détail de grammaire. » Une vague compréhension n’était pas suffisante au goût de M. Osmand. Les manuels de grammaire me servaient de livres de prière. Chercher des mots dans le dictionnaire, c’était pour moi une image du bien. La tâche sans fin d’apprendre des mots, c’était pour moi une image de la vie.

écriture passée au lit

Je ne sais pas pourquoi mais il me semble que toute ma vie est tournée vers l’écriture. Non pas l’écriture littéraire à  laquelle je ne connais rien,  non pas la littérature,  simplement l’écriture.

Ma vie voudrait se dédier à l’écriture. Ce que ma vie veut,  c’est se dédier à l’écriture. D’ailleurs ma vie est dédiée à l’écriture. Toute ma vie.  Et c’est vraiment contre toute attente. Il ne s’agit d’ailleurs peut-être pas exactement de toute ma vie,  mais peut-être seulement de toutes mes pensées. Mais qui sont tout ce que j’ai.  Cela seulement que j’ai.  Cela seulement qu’il y a,  pour moi,  dans ma vie.  Mes pensées me représentent à moi-même. Et elle sont directement liées à l’écriture. Pas une qui ne le soit.  Mes pensées pour moi se définissent exactement du « ce qui ne cesse pas de s’ecrire »  lacanien.  De la « nécessité » lacanienne. Mais aussi bien de « ce qui ne ce cesse pas de ne pas s’écrire »,  de l’impossible lacanien. Ce que j’arrive à écrire,  c’est ce qui reste après être passé au filtre de « ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire ».  Au crible.  Et ma difficulté est là. Ma souffrance,  ce crible.1

 Au départ,  je me contentais de penser. Au départ même,  mes pensées espéraient dire.  Seulement parler.  Et même parler à quelqu’un.  Après c’est devenu dire à l’analyste. Des heures et des heures de pensées à ce que je dirais à l’analyste.  Au fond,  c’est peut-être ça le problème.  Puis ça s’est transposé à l’écriture. Dans les faits,  avant d’arriver à l’analyse j’écrivais.  Après,  je m’y suis remise. Pendant l’analyse je n’ai plus écris que des lettres. Des lettres à l’analyste, et des lettres aux hommes dont j’étais amoureuse, quand cela m’arrivait.

J’écris actuellement toujours sur mon téléphone (un Samsung Galaxy Note II reçu de F à mon anniversaire et choisi  à cet effet).  C’est,  je crois une question
de discrétion (l’objet est petit; il a beau être le plus gros des smartphones,  il est petit),
de difficultés (l’objet est petit et un petit peu plus inconfortable dans les autres activités qui peuvent s’y faire qu’un ordinateur normal (comme surf, courrier, bref internet)),
et donc de concentration (concentration sur ce tout petit objet lumineux – d’autant que j’aime à écrire dans le noir au réveil au chaud,  silencieusement, au lit) ,
de portabilité (je peux écrire n’importe où,  à n’importe quel moment, ce qui répond aux exigences de mon « ce qui ne cesse pas de s’écrire ») (et je ne ne pense pas que ce soit cette condition de portabilité qui m’ait portée à vouloir écrire à n’importe quel moment,  non non,  le désir était de ça déjà là avant.) (c’est un objet qui répond à cette nécessité, qui est venu répondre à cette nécessité, qui l’a rendue possible – à l’instar des blogs, etc. ; c’est un objet du siècle,  comme disait Miller2,  un objet portable,  comme l’est ma pensée que je transporte toujours avec moi. 3  Pas moins bien sûr que mon corps ( Il y a la des équivalences qui se tracent et qui sont réelles).

Les seules pensées auxquelles j’ai confiance sont les pensées du matin,  du demi-sommeil,  du sortir du sommeil. Cela c’est le meilleur moment de la journée,  le seul,  qui vaille la peine de prolonger.  Le réveil,  la chaleur,  la douceur. C’est pourquoi,  après, en journée,  une fois levée et séparée de cet état,  je dois me battre pour ne pas retourner dormir et retrouver alors le bonheur plein de surprises du réveil – quelles seront alors mes dispositions.  Peut-être que j’exagère. Peut-être pas. Mais j’ai également très tôt rêvé,  dès que je l’ai su,  d’une écriture à la Proust,  une écriture passée au lit. Écrire au réveil permet de garder un lien  à l’inconscient,  permet d’inscrire ce lien.  C’est ce que j’aime,  ce côté disproportionné là. J’aime la disproportion.  Également, j’aime le drame.  Bien sûr la souffrance n’est pas souhaitable,  est très désagréable – mais,  un certain drame,  une certaine mesure de drame offre la petite dose nécessaire d’être certitude d’être de se mouvoir dans ce qui importe,  ce qui compte,  la vie,  la mort,  etc.  Le drame,  ce drame et très dédramatisé, est ce qui apporte sa coloration particulièrement au réveil. Sinon ma vie est très à l’abri d’un drame (quand le drame,  lui,  est toujours là.)

Il faudrait maintenant que je me lève et que je m’habille.  Il faut également que je travaille à un template pour le blog,  de façon à ce que… Et aussi que je trouve le moyen d’écrire au réveil les jours où je dois conduire Jules à l’école. 

 

Rappels:

contingent : ce qui cesse de ne pas s’écrire (Jacques Lacan, Séminaire XX, Encore, p. 132)

jouissance : c’est la substance de la pensée (Ibid, p. 101)

le nécessaire : ce qui ne cesse pas de s’écrire  (Ibid., p. 99)

Notes:
  1. Ma volonté primaire serait de faire en sorte que « ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire » passe à « ce qui cesse de ne pas s’écrire » et qu’il ne reste plus rien que « ce qui ne cesse pas de s’écrire ». []
  2. Dans un article publié je ne sais plus où qui parlait même d’un « divan portable » []
  3. Objet du siècle qui rend possible que « ça ne cesse pas s’écrire », ce qui m’avait conduite à penser que le siècle serait plutôt obsessionnel, que son fantasme se réalise que tout s’écrive. []

ce n’est que des lettres que se fonde le nécessaire, comme l’impossible

Et cela même que je vise cette année, c’est à ce que vous ne confondiez pas les mots avec les lettres, puisque ce n’est que des lettres que se fonde le nécessaire, comme l’impossible, dans une articulation qui est celle de la logique. Si ma façon de situer les modes est correcte, à savoir que ce qui ne cesse pas de s’écrire, le nécessaire, c’est cela même qui nécessite la rencontre de l’impossible, à savoir ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire, qui ne peut s’aborder que par les lettres. C’est bien là ce que, ce que ne permet d’aborder par quelque dire que la structure que j’ai désignée de celle du nœud borroméen, c’est en quoi, la dernière fois, l’amour était un bon test de la précarité de ces modes. Il est porté à l’existence, cet amour, ce qui est bien le fait de son sens même, par l’impossible du lien sexuel avec l’objet, l’objet quelle qu’en soit l’origine, l’objet de cette impossibilité. Il y faut, si je puis dire, cette racine d’impossible. Et c’est là ce que j’ai dit en articulant ce principe : que l’amour, c’est l’amour courtois.

Jacques Lacan, Séminaire XXI, Les non-dupes errent (inédit), séminaire du 8 janvier 1974

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