Ce qui est sûr c’est que hors-corps le langage est mort.

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Y avait ça qui traînait dans mes tiroirs. Qu’on n’aille pas croire que j’y parle à un(e) autre que moi. J’essaie de mettre au clair des trucs et ça ne marche pas comme je veux. Surtout, je ne pense pas que j’arrive à rendre ça  potable à quiconque ne s’intéresse pas un tant soit peu à la psychanalyse. Ça m’a travaillée, fatiguée, inquiétée, excitée, tenue éveillée, jusqu’à trop. Jusqu’à ce que ça devienne trop et que je doive l’oublier, oublier que je ne suis pas arrivée à écrire ce que je voulais, qui est resté je ne sais où, quelles limbes. Là, j’ai pris suffisamment de distance que pour pouvoir le publier. C’est-à-dire que je l’ai oublié. Dépitée seulement de n’y être, une fois de plus, pas arrivée, et que ça doive me rester (encore) en travers de la gorge.

Le travail c’est la plus belle chose qu’on puisse inventer.
Je pense que le Surmoi du vingtième si§cle (on fait tous partie ici de la même génération) est en train d’exploser pour notre bonheur à tous.

tu as très bien intégré le surmoi contemporain : Travaille!

(Arbeit macht frei)
Kidding!
je sais très bien que tu n’en fous pas une)
Kidding, Kidding !

C’est compliqué de parler du travail (surtout à toi, tout embué d’idéal). 

Mais est-ce qu’il n’y avait pas quelque chose dans Pommereulle, dans ton Pommereulle, qui préconisait de se laisser aller à sa pente, de se donner les moyens de se laisser aller à sa pente. Et que ça puisse trouver sa place dans le monde…

« Au fond il est plus difficile de se laisser aller à sa pente que l’inverse.« 

J’aimais bien ça. 

Je dis ça, parce que le travail et la pente, ça ne se recouvre pas nécessairement.  Cela nécessite un ajustement… que tu écrivais :

« Cela suppose une traversée de l’existence qui retourne les conditionnements et les envoûtements, pour abolir la séparation avec soi-même.« 

Cette séparation d’avec soi-même, qu’il s’agit de rejoindre, c’est la séparation d’avec le monde et  c’est la séparation d’avec le travail.

Tout ça pour dire que je préfère la pente au travail. Même si c’est encore tout un travail que de se faire à sa pente. Mais un travail particulier. En finesse et en délicatesse. Afin que la pente restât pente, échappe à la conversion (en grand’route sur morne plaine) que le travail tentera de lui imposer afin de la rendre présentable.  Un travail donc qui ne s’appliquât jamais qu’à ouvrir à la pente quelques menus détours, des sinuosités, afin qu’elle fût moins courte, moins casse gueule, mais restât pente toujours, c’est-à-dire liée à ce qui nous dépasse.

Si le surmoi, Travaille! (=Jouis!) fonctionne aussi bien, c’est qu’il y a une indifférence de la pulsion (capable de se satisfaire de n’importe quel objet). Il faut donc pouvoir la distinguer de la pente, laquelle se soutient de la marque, marque qu’elle imprime à la pulsion. Cette marque de la séparation d’avec soi dont il était question plus haut.  Non-indifférente pente donc. Or la marque, la marque fondamentale d’un sujet, c’est bien ce qui au monde se partage le moins, ce qu’il y a de plus secret. Au monde de moins communément partagé, reluisant, accepté.

On dit que le désir est le désir de l’Autre. La jouissance, elle, fondamentalement n’est jamais que celle de l’Un, de l’Un-tout-seul. Toujours peu ou prou liée à la honte. Si aujourd’hui on s’attache tant à se montrer jouissant (« Regardez-moi jouir », c’est qu’il s’agit de se montrer jouissant de la bonne manière : c’est-à-dire : médiatisable. Or tout ce qui passe par les médias, y passe dépourvu, lavé de la marque. La jouissance médiatisée : celle qui essaie de se faire passer pour non-coupable , conforme. 

Pour ça que la plupart préfèrent s’en tenir à la marque commune : comme sujet (du verbe), je suis l’objet d’une jouissance (qui me dépasse et dont je ne veux rien savoir).

Chacun préférera se vivre comme sujet du langage, se placer, se garder sous sa coupe  plutôt que d’assumer sa jouissance (hors langage).

L’organisation actuelle du monde est fondée sur le travail. Vu la façon dont il fonctionne, on ne s’empêchera pas de se méfier. Il n’y a plus que des travailleurs partout. Et si ces  travailleurs travaillent, je soutiens que  c’est parce qu’ils sont objets de forces qui les dépassent et dont ils ne trouvent pas l’équivalent dans le monde, dans le discours courant.  C’est parce que je ne retrouve pas ma marque au monde / faute de l’y avoir encore imprimée / que je me plie à la marque courante : travaille, travailleur.

La marque fondamentale est d’abord celle d’un corps. Et tous les corps diffèrent,  quels que soient les efforts de la science pour nous faire croire le contraire,  de par la pauvreté de son langage. 

Il faut cesser de croire à l’universalité du langage.  Cesser de croire, de vouloir qu’il mène une vie indépendante de la nôtre, cesser de croire à sa sphère idéale. Le langage est une invention de l’humain. Il tient et s’applique aux corps, à chaque corps en particulier, qui n’obéissent pas à ses lois, en jouent et les déjouent.  Il revient donc à chacun de réinventer le langage, de traduire au monde la réinvention, la réécriture par son propre corps, des lois du langage.  Nous avons tous une langue à inventer, qui incorpore ce qui lui est étranger, ce qui est étranger au langage et qui tient à la singularité de la rencontre de son corps avec le langage, de cette frappe, de cette marque. Et ce que le corps comprend conçoit/fabrique/trifouille avec le langage, nous n’en savons rien. Ce qui est sûr c’est que hors-corps le langage est mort. 

Le monde dans lequel nous cherchons à vivre, dans lequel on cherche à nous faire travailler, est un monde mort. 

Sur les gender studies : l’article que Juliet nous faisait lire récemment, de Silvia  Federici, pour moi, ça venait vraiment à point dans ma réflexion et je ne l’avais pas lu ailleurs. (Je ne l’ai toujours pas lu, le livre, parce que décidément lire un pdf ça me gonfle et qu’il faut que je m’achète le livre). Je n’y connais rien, mais j’ai vraiment le sentiment qu’il fallait que ce soit une femme qui découvre ça. Et qu’il faut encore qu’elle ne soit entendue que par des femmes.

Alors, l’usage du langage auquel je souhaite  m’attaquer, peut-être ne s’agit-il que de l’usage masculin. Ce que savent les femmes me manque. Ce que savent les femmes et qui ne rentre pas dans les logiques d’efficacité proprement masculines. Et qui tient, je dirais, vite dit, en ce moment, selon moi, à l’intimité beaucoup plus grande qu’elles ont avec leur corps. Mais, je ne veux (peux) pas m’avancer plus loin ici.

8 octobre 2016

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