Visite du mercredi 2 juillet

Publié le Catégorisé comme brouillonne de vie Étiqueté , ,

Ma mère hier, à la salle à manger, à table, m’accueille en me tendant les bras, où je fonds sans délai. Sa joliesse, sa douceur, le ton plus bas, plus calme qu’à l’habitude, les mots qu’elle nous glisse pour dire son contentement de me voir, de nous voir, Frédéric et moi, et les mots qu’elle retrouve pour dire qu’elle n’est pas sûre d’avoir grand-chose à me dire. Je suis prise dans son orbe. Nous nous asseyons. Le repas n’est pas servi, je lui montre les photos que j’ai ramenées. Elle les étale devant elle, en jeu de cartes, me dit d’écrire qui est qui, sinon elle oublie tout.

Plusieurs fois, sur l’une d’elles, elle me montre Frédéric en me demandant qui c’est — alors qu’il est assis juste en face d’elle. Je lui réponds que c’est Frédéric, justement, celui qui est là, avec nous.
Ça lui plaît, cette correspondance entre la photo et « la réalité » — elle sourit, elle approuve —, cette séparation réétablie entre représentation et réalité, qui ont tendance à se confondre pour elle. Les mots la quittent, et au fond tout repasse au réel, à l’en-deçà de la représentation.

Elle s’adresse à moi, alternant entre les « vous », les « Madame », les « Véronique » et les « ma petite fille ».

Elle dévore ses tartines à la confiture d’abricot. Tous, tous les sans-dents, dévorent leurs tartines de confiture… F trouve que c’est abusé, qu’on ne peut pas parler de confiture, tellement il y en a peu. Il nous quitte après le repas, et nous allons à la chambre, maman et moi…

On y lit, à la table, devant la fenêtre, plusieurs livres à la fois : Jacques Muller, Les Dernières peintures, « toujours très bien », mais surtout Quick et Flupke, qu’elle lit et relit. Ou fait mine de lire et relire, à haute voix, en suivant les cases, en disant les mots qu’elle veut, qu’elle invente, en guettant mes regards, mon approbation. 

Vers 20 h, je crois, je m’énerve un peu auprès de l’infirmière de l’étage de ce qu’elle n’ait pas encore été mise au lit. Habituée à être au lit plus tôt, elle commence à montrer des signes de fatigue et je regrette de ce que je vais avoir à l’abandonner dans la salle, où je la vois errer maintenant, après une soirée aussi apaisante. L’infirmière est bien d’accord avec moi, et prend sur elle de la mettre au lit elle-même, comme elle n’est pas arrivée à trouver G, ce qui est bien sympa.

Nous nous embrassons, elle et moi, ma mère et moi : à demain…

NB : G. Je lui avais posé la question du moment où il la mettrait au lit, et il m’avait répondu : « 19 h, 19 h 30, 20h… ça dépend, ça dépend de l’état de la personne, si elle est bien… c’est eux qui décident »… J’avais émis quelques doutes. C’est très souvent très tôt, juste après le repas, vers 18h30, 19h.

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