samedi 5 août 2023

#02  |  de la préparation du lieu (chosette dans l’avalyse)

Il me semble que le lieu sera toujours celui de la présence et de la sensation. (Il y aurait le lieu aussi de l’image, pris d’ailleurs dans celui de la présence, y dressant ses écrans impalpables.)

Il y a la possibilité de mettre des mots, il y a l’inanité. D’un côté il y a la possibilité de mettre des mots, de l’autre, il y a l’inanité de toute chose. Il y a pourtant le goût des mots. Tout comme il y a la maladie des mots. 

(Tu sais ce que tu ne sais pas, c’est que tu ne sais pas où avec le mot
commence l’angoisse. Comment, pourquoi.)

Il y a la pensée, comme lieu aussi, comme lieu d’habitation. Plus largement, il y a le langage. Il y a la possibilité du silence. Au cœur même de la rumeur. Celle d’une ville, si c’est fixer qu’il faut. Si c’est ce qu’il faut, arrêter. Il y a l’habitation d’un bruit quand il traverse le ciel ou une rue au loin, et que cela est rugueux ou métallique ou sourd. Les lieux me dépassent toujours un peu. Les lieux l’ont toujours dépassée. De la douleur ou du cri. Les lieux par où je vais vers toi. Que je quitte, dont je claque la porte. 

Il y aurait bien cependant quelques lieux mieux circonscrits, des lieux comme des  territoires. Et elle comme un chat. Il y a la circulation entre les lieux. Impossible (chuchoté). Il y a le transport entre les lieux. Les déplacements. Les valises et les trains. Il y a le passage d’un lieu à un autre, l’impermanence. Il y a les valises que l’on fait à la hâte et dans un temps qui paraît infini, les chaussettes jetées dans la valise, les maisons que l’on ferme. L’angoisse extraordinaire qui s’y lie. Le voyage toujours involontaire, toujours vécu comme un arrachement. Je suis dans cette valise au bout d’un bras que l’on transporte au-dessus du vide. Elle est chosette dans la valise. La délocalisation. Et alors, le moment de suspens, extraordinaire, une fois dans le train ou l’avion. Ou le tram. Ou simplement à marcher, entre 2 points. La liberté alors. C’est alors comme si elle était tenue? Tu dirais ? Tu dirais, elle est tenue, là, entre 2 points. C’est l’envers de nulle part? C’est ailleurs que nulle part. C’est ça, c’est ça. Et alors? On voudrait dire : l’abandon. Et alors? On voudrait dire : la vue. Voir. Elle voit? Et chaque moment de sa vision est caresse qu’elle reçoit de toute elle. Tu sais bien, le vent, les jambes, la générosité ressentie du monde. Avoir un corps? L’abandon, la possibilité d’abandonner ? Mais quoi? La vigilance, la défense. Oui, l’angoisse précède le départ, l’angoisse est celle de la valise, du déracinement, de l’abandon d’une part de soi. Une fois arrachée à la terre : elle flotte, elle est dans une autre immobilité, c’est autour d’elle que cela bouge, son visage qui se reflète dans la vitre du train où il est appuyé. C’est qu’elle est un peu comme ça : elle est lieu où elle habite. Les murs, le sol, étendent son corps. Ce qu’il y a de l’autre côté de la fenêtre étend son corps. La pluie, de l’autre côté de la fenêtre, qui tombe en paquets silencieux : son corps, sa vue (la bienfaisance). 

J’écris depuis un lieu d’arrêt, de retrait. Où les lieux peuvent être sans nom. Où la vue est réception, où l’on met parfois des virgules et des majuscules, où le temps passe lentement. J’écris pour dresser les termes de ce lieu. Pour parler à quelqu’un.  

Ce constat fait, il faudra cependant y revenir, ouvrir. Et pourquoi? Faire une brèche dans l’opacité du tout. De quelle opacité ? La lumière gardienne. Et pourquoi? Etendre, encore. Risquer autre chose. Et que ce soit comme guérir. Ou comme rire. Que ce soit comme rire. Au hasard. Trouer, s’avancer. Faire une brèche dans la lumière, qui contienne la lumière même, qui l’étende, la tire à l’intérieur d’elle-même. Pénétrer le dehors pour y créer du dedans emportant le dehors à sa suite.  Peut-elle le faire? Elle peut le faire.

Soi comme dehors, comme ouverture. Ouvrir l’ouvert en un point, en un point du partout plein, le pénétrer, créer dans le dehors qui est soi, du dedans entraînant le soi de dehors à sa suite. Tu crois vraiment que quelqu’un va te suivre, là, te croire. Je pense qu’il vont croire que tu te moques d’eux. Moi-même, je me donne mal à la tête.

Je redis, tout le dit ici dans ce que j’ai écrit : Je suis le dehors, je suis l’ouverture. Je dois, au hasard, refermer cette ouverture sur un point, y pénétrer, y entrer, entrainant à ma suite le dehors que je suis, et dans le dehors créer un nouveau dedans.

Ca n’est pas très important.

Faire l’exercice de consentement, nommer, y consentir. 

Trouver le moyen de consentir. Invoquer la magie.  

Ou juste écrire.  

On le fera.  

Plus tard. On nommera la maison, celle qui est déjà là, dont les images appellent, rappellent.  On verra si on y trouve encore quelqu’un.

On essaiera d’être ailleurs que nulle part. Ailleurs qu’à l’heure de nulle part.

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