sans titre – Peut-être ne suis-je rien qu’un corps posé là dans le noir
— Atelier rien nulle part (essai 1)

Peut-être ne suis-je rien qu’un corps posé là dans le noir dans la chaleur d’un lit une grande main étrange posée ouverte sur la peau du ventre. Le temps que ça dure c’est l’infini. 

Et puis, levée tout autre pour boire un café. Dans l’obscurité trébuche vers la lumière le temps d’apercevoir les fesses d’un autre corps posé là qui émergent d’une couette repoussée. Mes cheveux je devrais les couper je pense sans leur jeter un oeil dans le miroir de la salle de bain où je me couvre d’un peignoir. Dans le couloir me pencherais-je ou pas sur le chat qui vient vers moi. Je n’ai toujours pas de nom. La question qui se pose : que suis-je quand je n’écris pas. Ou ne se pose pas.

Moi, je ne me raconte pas d’histoire m’avait rétorqué la dame. Vieille chair entends-moi, les histoires ont une grande utilité. Le tout est de ne pas se raconter d’histoire à propos des histoires qu’on se raconte. Mais que voilà une belle histoire. Et comment et pourquoi et quelle béance elle vient couvrir : peu importe. Certains ont le vide plus vide que d’autres, un vide sans effroi ni joie, sans mot ni moi. Peuplé parfois de voix qui disent des choses qu’on ne répète pas. 

Vous nous mettrez une petite livre d’histoire là-dessus il n’y paraîtra plus. Ça vous fera 2 sous dit-elle vous passant le paquet par dessus le comptoir, je prends, je prends l’histoire à 2 balles emballée d’un double papier, l’extérieur rose et l’intérieur blanc, paraffiné. 

Que de mots tout de même, pour une image entraperçue me dis-je sortant de là prenant la rue, le trottoir. Et quelle longueur de mots, que de lettres. Souvenirs fleuris.  

S’il passe un vieil enfant entre deux âges qui alors te dit Let it be, je me dis Que nenni je ne let be qu’allongée à l’abri. Aux grands jours, tous divers, je dresse des histoires comme des os. Comme des nuages, des entrelacs. Entre-moi là entre-toi là entretenons-nous. Ou je m’évanouis.  Frotte frotte les meubles rêvés, polis.

L’histoire tu la mâchonnes tu la recraches c’est aussi simple que le slip le soir négligemment enlevé au pied du lit. 

Tu la recraches avant qu’elle te recrache of course. Sinon c’est bonsoir l’indigeste. Les gaz, les ballonnements. Ha ha. C’est pas drôle. Mais quand même.

 

C’est tout juste le matin la maison dort encore les doigts piquent. L’attente, le cliquetis. Temps pour un deuxième café et une caresse au divin chat. Et une caresse au divin chat.  

 

 

 

 

Peut-être ne suis-je rien qu’un corps posé là dans le noir dans la chaleur d’un lit une grande main étrange posée ouverte sur la peau du ventre. Le temps que ça dure c’est l’infini.  

 

 

Et puis, levée tout autre pour boire un café.  Dans l’obscurité trébuche vers la lumière le temps d’apercevoir les fesses d’un autre corps posé là qui émergent d’une couette repoussée. Mes cheveux je devrais les couper je pense sans même leur jeter un oeil dans le miroir de la salle de bain où je me couvre d’un peignoir. Dans le couloir  me pencherais-je ou pas sur le chat qui vient vers moi. Je n’ai toujours pas de nom. La question qui se pose : que suis-je quand je n’écris pas. Ou ne se pose pas.

 

Moi, je ne me raconte pas d’histoire m’avait rétorqué la dame. Vieille chair entends-moi, les histoires ont une grande utilité. Le tout est de ne pas se raconter d’histoire à propos des histoires qu’on se raconte. Mais que voilà une belle histoire. Et comment et pourquoi et quelle béance elle vient couvrir : peu importe. Certains ont le vide plus vide que d’autres, un vide sans effroi ni joie, sans mot ni moi. Peuplé parfois de voix de spectres qui disent des choses qu’on ne répète pas. 

 

Vous nous mettez une petite livre d’histoire là-dessus il n’y paraîtra plus. Ça vous fera 2 sous dit-elle vous passant le paquet par dessus le comptoir, je prends, je prends l’histoire à 2 balles emballée d’un double papier, l’extérieur rose et l’intérieur blanc, paraffiné. 

 

Que de mots tout de même, pour une image entraperçue me dis-je sortant de là prenant la rue, le trottoir. Et quelle longueur de mots, que de lettres. Souvenirs fleuris.  

 

S’il passe un vieil enfant entre deux âges qui alors te dit Let it be, je me dis Que nenni je ne let be qu’allongée à l’abri. Aux grands jours, tous divers, je dresse des histoires comme des os. Comme des nuages, des entrelacs. Entre-moi là entre-toi là entretenons-nous. Ou je m’évanouis.  Frotte frotte les meubles rêvés, polis. 

 

L’histoire tu la mâchonnes tu la recraches c’est aussi simple que le slip le soir négligemment enlevé au pied du lit. 

 

Tu la recraches avant qu’elle te recrache of course. Sinon c’est bonsoir l’indigeste. Les gaz, les ballonnements. Ha ha. C’est pas drôle. Mais quand même.

 

C’est tout juste le matin la maison dort encore les doigts piquent. L’attente, le cliquetis. Temps pour un deuxième café et une caresse au divin chat. Et une caresse au divin chat.  

FORMULAIRE / RÉSUMÉ
— Atelier rien nulle part (essai 2) (que ce qui est à dire ne fasse que s'annoncer)

C’est avec ce texte, je crois, que j’ai été au plus proche de la  consigne proposée par Laura Vazquez, même s’il est  trop long, cherche encore sa forme, sa voix. Son mot d’absence.

Il tire son départ de  l’idée d’un formulaire à remplir, formulaire quelconque, type, l’un de ces écrits administratifs dont il est tellement impossible de répondre, qui vous réduit aux signifiants attendus de votre identité comme unité de production. Par excellence le genre d’écrit qui ne laisse aucune place à ce qui ne pourrait se dire, et sur la base duquel cependant notre société se construit.

C’est ma façon de tenter de me rapprocher du poème de May Ayim,  « objet : candidature », qui se joue de tous les envois de curriculum vitae, de toutes les langues vidées de leur substance auxquelles il est attendu qu’on se réduise.

Comme le disait si bien Laura, le poème se dérobe à toute tentative de fixation, à toute identification, il laisse vide toutes les étiquettes, et tout ce qu’il pourrait y avoir à dire n’y est qu’annoncé.

   « adressez-vous svp nulle part
    à n’importe qui »

Réponse ironique à la langue administrative qui vous traite comme n’importe qui, comme unité interchangeable. A rebours, sa langue est des plus familières, vivante, et son usage des déictiques, ces mots qui servent à désigner à pointer l’objet qu’ils visent, donnent au poème une allure de balade primesautière, tout en dénonçant le langage pour ce qu’il est : un indicateur dont on se joue:
 

« je m’appelle 
  comme ça
  je viens d’ici ou là et
  je fais ceci ou cela »

Et qu’elle rappelle à son manque :

  « ou s’il vous  manque quoi que ce soit
  adressez-vous svp…« 

Il me semble que je dois trouver le moyen de réduire mon texte de sorte qu’il trace plus significativement encore la place de ce qui ne s’y dit pas, de ce qui s’y dérobe, ainsi qu’indiqué par LV.

FORMULAIRE / RÉSUMÉ

Nom, prénom  D’où tu vas, où tu viens.
Date de naissance Me souviens de la date du lieu l’heure même à moins que je ne confonde avec celle. C’est le nom de la clinique où je nais que j’oublie et confonds avec celle où ma mère aujourd’hui
Nationalité Petit pays où je ne vis plus où j’ai quelques attaches
Etudes et solitude. Là que commencé sans m’en apercevoir m’en plaindre comme observé de l’extérieur (à connaître l’isolement)
Tout arrêté quand rencontré celle qui comme moi (jeune femme) plus loin que moi et qu’ensemble nous voulûmes – faire ce dont personne ne peut parler
Alors vinrent les nuits les danses les hommes qui apprécient les teenagers et ne vous veulent pas du bien (sauf un, inoubliable jeune et peroxydé et aussitôt perdu)
Puis l’inattendue version du pire le grand sommeil d’oubli les semaines au lit
Puis les études reprises contre le père
Puis laissées
Puis les études reprises dans les pas du père
Puis laissées
Pour suivre un homme qui m’apprit tant
Qui une nuit une seule dans l’appartement de son ami, en lisière du parc, l’appartement vide de tout et ensuite plus jamais
C’est alors que commencerait ladite expérience professionnelle et le jeu sans jouer les planches sans trac un texte enfin dans ma bouche pas de moi adopté de tout corps par coeur
Puis l’amour avec l’ami en âge d’être mon père l’ami de mon ami où l’on parlait de ce qui se parle nulle part chez qui j’arrive veines ouvertes. Qui aimait la pluie marcher au milieu de la rue et les jours au lit à s’écrire. Qui arrêta de boire que je laissai qui alla au pire mourir seul
Puis la raison, le travail, la nouvelle raison, la solitude. Pour le sauvetage, la pratique d’une parole pour laquelle on paie et l’élaboration du cas (le mien) comme identité inavouable
Ce, toujours à portée du pire, qui se chuchote en mon cerveau
Et la lecture des livres.
L’écriture des secrets l’amour tout épistolaire les rues arpentées
L’amie unique belle chère et lointaine.
Au loin les autres leurs fêtes, leurs amis.
Moi, je me rapproche toujours de moi tandis que se perd inéluctablement la possibilité de la fiction du camouflage du secret du scandale.
Les insomnies les longueurs de bassin
Des amoureux qui me suivent de loin
Le coup de foudre
L’amie qui aimait les femmes
L’écriture avec un homme qui me dit de quitter mon pays
Avoir tout quitté
Puis l’enfant et l’accalmie, la volonté de l’accalmie
Tout du long l’oubli avançant
Tout du long, profession : sans
Quoi qu’il en soir, profession : sans
Quelque soit le trop, de travail
La normalité jamais rapprochée la honte jamais laissée
Ceux et celles que l’on paie pour parler déballer l’obscur qui seul pourrait vous représenter
Plus tard, beaucoup plus tard, la folie de la mère l’alzheimer son lent recul sa sortie sa connaissance des gouffres
Tout du long quelques lettres pour survivre pour sur-vivre connaître l’ardeur se brûler à la vérité, la plume nourrie des sucs de l’intime, la joie, le repos, la lettre comme lieu où je possède un nom
(À côté, en parallèle, la rencontre d’un corps le mien l’apprentissage d’un corps délivré de l’image les coulisses du neutre la séparation de ce qui ne cesse de devoir être oublié. Le temps du geste ancestral, avec ses plis et tous ses au-delà)
Tout du long l’échec à améliorer toujours
Le renoncement à la normalité
L’intime sentiment de ce qui reste à accoucher à mettre au monde
Les liens impalpables
Le rire des langues désuètes des voix à provoquer du tout-fait à défaire
D’une table qui se rase
Le désir de vaincre le vain pour donner en gloire le rien qui est le mien, si fondateur, au nom de celui seul qui ancre soutient ma responsabilité, l’enfant né 20 ans plus tôt (et à qui je n’en donne aucun)
Les formules improbables poursuivies pour qu’il ne subisse de l’excès d’angoisse que l’inconnue force qui permet contre toute raison de défendre l’innommable l’innocence le moyen de dire même sans tout dire dans la sainteté du ratage le chant maudit de sa force le triomphe sûr de sa joie tranquille et sans haine ni amertume.
La constante inconnue.
La beauté.

VMVST  

– Ecrit de nuit, à Bruxelles, une de ces nuits où je craignais ne pas pouvoir dormir, je logeais dans la maison de ma mère. 

chair
— Atelier rien nulle part (essai 3)

 
Sur les étals, piquer les viande d’étiquettes écrites de leur sang clair, que la vent ou la pluie délave ou ré-écrit. Attendre la patience d’un enfant pudique et consciencieux pour les couvrir de papiers décorés.  Ou le désir d’une jeune fille un peu folle.

Quel nom
— Atelier rien nulle part (essai 4)

Quel nom pour qui n’a de cause que de ce qui s’absente de toute représentation, qui n’a de cause que ce qui rate.  Consentir au semi-ratage comme antidote. Rater jusqu’au ratage. 

Et quelle présence physique ? Quel atour ? Ou quel trou dans le miroir ?

Ou encore : ce qui n’est pas nommé existe. Tressaille le corps estampillé d’un nom. Baptême. Miracle d’une trahison par où s’engouffre l’affre du désir et de l’amour.

Errance de ce qui avance sans nom.

Miroirs recouverts se fier au seul regard aimant, à la parole donnée.
Avancer les bras tendus devant soi, recueillants la certitude.

c’est une question toutes ces photos, toutes ces photos que l’on prend,
— Atelier rien nulle part (essai 5)

Re:

c’est juste ce que vous dites. c’est une question toutes ces photos, toutes ces photos que l’on prend, qui ne peuvent rien contre la nostalgie la perte la mort, qui convoquent à un autre effort, à un nouvel effort, à d’autres tentatives, pour faire venir à la représentation ce qui est là, ce qui est là qui nous enchante et nous échappe.

vous dites que vous avez tout vu, que vous avez tout vu et que vous n’avez rien vécu. vous vous voyez voir et n’y être pas, pas là, à la chose vue, à l’instant de la chose vue, mais derrière l’appareil, le téléphone. n’y étiez-vous? vraiment ? et pensez-vous que vous auriez pu échapper au regret à la perte à à l’oubli? à la séparation? de soi à soi, de soi au monde? l’écran tendu entre votre oeil et le monde où vous espériez recueillir quelques traces ne vous offrait-il la faille d’où être à ce qui vous échappe? au moins vous aurez vécu la faim de voir de récolter de retenir, l’espérance folle d’en ramener autre chose que rien…

c’est après-coup, il me semble, qu’on peut en faire quelque chose, éventuellement

(une fois la photo prise, ce serait là que le travail commence, parce qu’elle aussi exige d’être regardée)
toutes les photos, ajoutez-vous, vous les avez prises : pardonnez-moi, excusez-moi, disons « pas toutes » prises, vous en avez prises une certaine quantité numérable, vous en avez prise une puis une puis une…
tout, je m’en rends compte vous écrivant, me parlant à moi-même, ça pourrait être une figure du réel, de l’insaisissable: s’être trouvé tout pris dans ce que l’on voit, débordé, qui vous prend à la gorge qui vous prend de toutes parts dont vous ne ramenez (dites-vous) au final : rien (à quoi vous vous réduisez alors rejoignant le tout, tout juste raté). vous aurez vécu dévorant dévoré l’espace qui vous environnait, l’avalant goulument qui vous engloutissait, ignorant que cet instant de gloire jaillit de la nostalgie même, déjà, de sa perte inéluctable. et cela vous questionne, et vous persévérez, dans cet être, dans cette perte.

finalement le rien est cela seul qui réponde de tout. tandis que nous n’avons que pas tout comme outil à notre disposition. et ce que nous vivons ne dure qu’un instant, quand c’est l’éternité que nous espérons rapporter arrêter offrir par la photo qu’on prend. est-ce l’éternité, n’est-ce pas juste un instant de partage, de désir de partage, de cela qu’on aura vécu seul, si seul, dans un isolement fondamental et effrayant. et ce moment d’être, que vous dites n’avoir pas vécu, ne vous aurait-il pas manqué de n’en pas témoigner, de n’en rien dire. de n’y être pas connu. l’intimité de l’être, sa parfaite complétude, aussi aspire à être connue d’un autre. en temps que c’est là justement que nous sommes au plus près de ce que nous sommes.

ou encore, encore autrement, dans ce moment du tout de la photo prise, qui est un moment physique, corporel, où c’est l’oeil et le doigt qui s’accordent pour pousser sur l’obturateur, où c’est l’oeil et le doigt pris dans le corps tout entier qui s’oublie dans ce qu’il voit qui s’y étend, qui trouve sa place dans le monde s’y ajuste, dans cet instant de voir, dans cet espoir de capture et de donner à voir, c’est la folie d’y croire parce que tout le corps s’y met, il y a un unisson, du monde et de soi dans le monde, il y a un instant de certitude et l’inconscience d’un arrachement, d’un vol, d’un rapt, d’un suspens : cela se saisira-t-il qui est insaisissable. et à ce tout de l’illusion où se tient le corps correspond le rien de tout dit : car rien ne le dit ni ne doit le dire de cela qui vous arrive. de cet endroit qui excède tout dit, ce dont aussi vous avez la parfaite inconscience. cela peut ne jamais donner la moindre photo qui soit jamais montrée, vue. mais cela vous questionne, cela se réfléchit. et c’est un lien au monde, à la vie. au désir.

je suis désolée de me montrer si péremptoire. c’est que cette question que vous posez je me la suis maintes fois posée, et je nous imagine nombreux à nous la poser, à voir le monde tout autour de nous prendre le monde en photo sans vraiment jamais trouver par où ensuite s’en délester (le dégueuler). 
le tout est qu’est-ce qu’on fait, maintenant, qu’on a vu qu’on voyait mal, qu’on était vus, et là je crois, la réponse sera individuelle et convoquera toujours quelque chose de l’ordre de l’invention. parce qu’on ne prend pas de photo sans raison, sans raison intimement chevillée au corps, au coeur, sans espoir, sans désespoir. et que l’objectivité d’un appareil ne rend pas automatiquement compte de nos subjectivités. et qu’aucun like ne suffira à se faire l’arbitre de notre être, qui manque au monde.

écrit tout au long du matin de la calme maison de ma mère

*

c’est assez génial le matin dans cette maison vide en été les fenêtres ouvertes les petits oiseaux les petites fleurs le café même qui coule lentement évidemment je sais que vous êtes là-bas 

*

mal au ventre comme si j’allais être réglée. faites de la poésie. draguée hier en gare de Lille par un jeune chinois flamand. 

le sang va couler. vieille de 59 ans. 

mais tu as raison, je peux être si heureuse. qu’est-ce qui m’en sépare de ce bonheur. l’oubli ? l’absence d’un nom.  

tous les jours, ma mère perd quelques mots. 

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