de 1959 à 1975, la belle bouchère chez Lacan

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Ci-dessous, quelques-uns des textes de Lacan où il traite de la Belle bouchère.

Jacques Lacan, Le Séminaire, Livre VI, Le désir et son interprétation, p. 505 (10 juin 1959)

Mais quelle est la fonction du désir insatisfait chez l’hystérique ? Lacan nous dit que l’hystérique, qui veut être aimée, doit, afin de soutenir le désir amoureux, désirer autre chose. Et pour que ce désir d’autre chose remplisse sa fonction de soutien du désir amoureux, il faut qu’il reste insatisfait. La belle bouchère fait appel au mari en place d’Autre réel pour lui interdire la satisfaction du désir de caviar. Ainsi, à sa demande à elle, il lui crée un désir insatisfait, dans lequel elle trouve appui pour son désir. En entretenant l’insatisfaction, cette femme reste ainsi dans une position désirante.
Dominique Corpelet, La Belle Bouchère et le désir du sujet hystérique

Je vous rappelle l’exemple de la belle bouchère, où la structure du désir insatisfait apparaît de la façon plus claire. On trouve dans les associations de son rêve la forme en quelque sorte avouée de l’opération de l’hystérique la belle bouchère désire manger du caviar, mais elle ne veut pas que son mari le lui achète, parce qu’il faut que ce désir reste insatisfait. C’est là une de ces petites manœuvres dont est tissée la trame, le texte, de la vie quotidienne de ces sujets. Mais la structure ainsi imagée va en fait beaucoup plus loin.

Cette historiette révèle la fonction que l’hystérique se donne à elle-même – c’est elle qui est l’obstacle, c’est elle qui ne veut pas. Autrement dit, elle vient occuper dans le fantasme la position tierce entre sujet et objet qui était tout à l’heure dévolue au signifiant phobique. Ici, c’est elle qui est l’obstacle. Sa jouissance est d’empêcher le désir. C’est là une des fonctions fondamentales du sujet hystérique dans les situations qu’elle trame – empêcher le désir de venir à terme pour en rester elle-même l’enjeu.

Ainsi, le rêve de la Belle Bouchère interprète le désir de celle-ci : désir de désir insatisfait. Le rêve interprète l’inconscient.

L’hystérique se brouille les cartes à elle-même : il s’agit de maintenir son désir caché. C’est pourquoi à l’occasion elle convoque l’autre femme, sur le désir de laquelle elle va s’orienter, afin de mieux laisser le sien propre caché : « L’hystérique introduit en effet une ombre qui est son double, sous les espèces d’une autre femme, par l’intermédiaire de laquelle son désir trouve à s’insérer, mais de façon cachée, pour autant qu’il faut qu’elle ne le voie pas.» Voilà la clé du désir de l’hystérique. Malgré tout ce scénario, ce « jeu de marionnettes», ces « faux-semblants», le sujet hystérique reste dans le jeu du désir, en s’en faisant l’enjeu.
Dominique Corpelet, La Belle Bouchère et le désir du sujet hystérique

La place que l’hystérie prend dans ces situations est celle de ce que nous pourrions appeler, d’un terme anglais, a puppet, qui est quelque chose comme un mannequin, mais avec le sens plus étendu de faux-semblant. L’hystérique introduit en effet une ombre qui est son double, sous les espèces d’une autre femme, par l’intermédiaire de laquelle son désir trouve précisément à s’insérer, mais de façon cachée, pour autant qu’il faut qu’elle ne le voie pas. Cette position est si fréquente qu’elle est vraiment reconnaissable en clair dans les observations, à condition d’en avoir la clef.

Bien que l’hystérique se présente en l’occasion comme le ressort de la machine à quoi sont suspendues, l’une par rapport à l’autre, ces sortes de marionnettes, dans un rapport dédoublé qui est celui du sujet par rapport à l’objet, (Sbarré <>a), elle est pourtant dans le jeu, sous la forme de celle qui en est, en fin de compte, l’enjeu. En revanche, l’obsessionnel a une position différente. Il reste, lui, hors du jeu.

Fiez-vous à ces formules quand vous aurez affaire aux sujets cliniquement qualifiables d’obsessionnels.

L’obsessionnel est quelqu’un qui n’est jamais véritablement là où quelque chose est en jeu….


Jacques Lacan, Le séminaire, Livre X, L’angoisse, p. 63 – 5 décembre l962

Ça réussit à le défendre contre l’angoisse justement dans la mesure où c’est un a postiche. C’est la fonction, dès longtemps je vous l’ai illustrée du « rêve de la belle bouchère ».

La belle bouchère aime le caviar bien sûr, seulement elle n’en veut pas, elle n’en veut pas parce que ça pourrait bien faire trop plaisir à sa grosse brute de mari, qui est capable de bouffer ça avec le reste, ce n’est même pas ça qui l’arrêtera. Or ce qui intéresse la belle bouchère, ce n’est pas du tout bien entendu de nourrir son mari de caviar, parce que comme je vous l’ai dit, il y ajoutera après tout un menu, il a gros appétit le boucher. La seule chose qui intéresse la belle bouchère, c’est que son mari ait envie du petit rien qu’elle tient en réserve.

Cette formule tout à fait claire quand il s’agit de l’hystérique, faites-moi aujourd’hui confiance, elle s’applique à tous les névrosés. L’objet a fonctionnant dans leur fantasme , et qui sert de défense pour eux contre leur angoisse, est aussi, contre toute apparence, l’appât avec lequel ils tiennent l’Autre. Et Dieu merci, c ’est à cela que nous devons la psychanalyse.


Jacques Lacan, Séminaire 11, 10 juin 1964

(Discussion, réponse à Moustafa Safouan) C’est exactement la même chose que quand vous dites : «J’aime MmeUne telle». À cette différence que « J’aime Mme Une telle», vous le lui dites à elle, ce qui change tout. Vous lui dites pour des raisons que je vous expliquerai la prochaine fois. Il n’en reste pas moins que vous aimez le ragoût de mouton, vous n’êtes pas sûr de le désirer.

Prenez l’expérience de la belle bouchère, elle aime le caviar, seulement elle n’en veut pas. C’est pour ça qu’elle le désire.

Alors l’objet du désir c’est la cause du désir, et cet objet cause du désir, c’est l’objet de la pulsion. Ce qui veut dire, c’est l’objet autour de quoi tourne la pulsion.


Jacques Lacan, Séminaire XVII, L’envers de la psychanalyse11 février 1970

C’est là très exactement ce que nous a révélé ce que Freud a su extraire du discours de l’hystérique. C’est à partir de là que se conçoit que l’hystérique symbolise cette insatisfaction première, que sa promotion du désir insatisfait, celle sur laquelle j’ai insisté, que j’ai mis en valeur en m’appuyant sur l’exemple minimal, à savoir ce que j’ai commenté dans cet écrit qui reste sous le titre de « Direction de la cure et les principes de son pouvoir », le rêve – qu’on s’en souvienne – dit de « La belle bouchère »… De la belle bouchère et de son baiseur de mari qui, lui, est un vrai con en or, moyennant quoi il faut qu’elle lui montre qu’elle ne tient pas à ce dont il veut la combler de surcroît, ce qui veut dire que ça n’arrangera rien quant à l’essentiel, malgré que cet essentiel, elle l’ait.

Voilà ! Ce qu’elle ne voit pas, elle, parce qu’elle a aussi ses limites à son petit horizon, c’est que ça serait, cet essentiel de son mari, à le laisser à une autre qu’elle trouverait, elle, le plus de jouir, car c’est bien ce dont il s’agit dans le rêve. Elle ne le voit pas dans le rêve, c’est tout ce qu’on peut dire. Il y en a d’autres qui le voient.

Parce que Dora, c’est ce qu’elle fait. Elle bouche, par l’adoration de l’objet de désir qu’est devenue à son horizon la femme, par cette femme dont elle s’enveloppe, celle qui dans l’observation s’appelle Mme K et qu’elle adore sous la figure de cette Madone de Dresde qu’elle va contempler, elle bouche, par cette adoration, sa revendication pénine. C’est tout ce qui me permet de dire que la belle bouchère ne voit pas qu’en fin de compte, comme Dora, elle serait heureuse – très précisément cet objet – à le laisser à une autre. Ce sont des indications, il y a d’autres solutions.

Si j’indique celle-là, c’est parce qu’elle est la plus scandaleuse. Il y a bien d’autres raffinements dans la façon de substituer à cette jouissance dont l’appareil, qui est celui du social, à cette jouissance dont l’appareil qui aboutit au complexe d’Œdipe, fait justement, d’être la seule qui donnerait le bonheur : justement à cause de cela, cette jouissance est exclue. C’est proprement la signification du complexe d’Œdipe.


RSI, 11 mars 1975

Cliquer pour accéder à S22%20R.S.I..pdf

Il n’y en a pas pour porter la castration pour l’Autre, et ceci est au point que le phallus tel que je l’ai indiqué tout à l’heure, ça n’empêche pas qu’elle se le voudrait, comme on dit. Rien de plus phallogocentrique – comme on l’a écrit quelque part à mon propos – rien de plus phallogocentrique qu’une femme, à ceci près qu’aucune «ne-toute le veut», ledit phallus.

Elles en veulent bien chacune, à ceci près que ça ne leur pèse pas trop lourd. C’est tout à fait comme ce que j’ai mis en valeur dans le rêve dit de « la belle bouchère»: le saumon fumé, comme vous savez, elle en veut bien à condition de ne pas en servir. Elle ne le donne qu’autant qu’elle ne l’a pas. C’est ce qu’on appelle l’amour. C’est même la définition que j’en ai donné : donner ce qu’on n’a pas, c’est l’amour. C’est l’amour des femmes, pour autant, c’est-à-dire que c’est vrai que – une par une – elles ex-sistent. Elles sont réelles et même terriblement, elles ne sont même que ça, elles ne consistent qu’en tant que le Symbolique ex-siste, c’est-à-dire ce que je disais tout à l’heure, l’inconscient.

C’est bien en quoi elles ex-sistent comme symptôme, dont cet inconscient provoque la consistance, ceci apparemment dans le champ mis à plat du Réel. C’est ce qu’il faut appeler réellement, ce qui veut dire – on ne fait pas assez attention à cette distinction de l’adverbe et de l’adjectif – à la façon du Réel, mais en réalité à la façon dont s’imagine dans le Réel – je n’ai pas besoin de refaire le schéma, je pense – dont s’imagine dans le Réel l’effet du Symbolique. Ce qu’il faut quand même que je dessine – ouais –

Voilà! Voilà le symptôme, l’effet du Symbolique, en tant qu’il apparaît dans le Réel, et même c’est dans cette direction là:

06-12-2016-15-24-10

Par Iota

- travailleuse de l'ombre

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