dimanche 6 août 2017 · 18h59

De quatorze à dix-neuf ans, j’ai été élève dans un lycée agricole de province,

DÉBUTS « De quatorze à dix-neuf ans, j’ai été élève dans un lycée agricole de province, isolé dans la campagne de l’Italie centrale. J’y étais pour apprendre un « vrai métier ». Ainsi, au lieu de me consacrer à l’étude des langues classiques, de la littérature, de l’histoire et des mathématiques, comme tous mes amis, j’ai passé mon adolescence dans des livres de botanique, de pathologie végétale, de chimie agraire, d’exploitation maraîchère et d’entomologie. Les plantes, leurs besoins et leurs maladies étaient les objets privilégiés de toute étude dans cette école. Cette exposition quotidienne et prolongée à des êtres initialement si éloignés de moi a marqué de manière définitive mon regard sur le monde. Ce livre est la tentative de ressusciter les idées nées de ces cinq années de contemplation de leur nature, de leur silence, de leur apparente indifférence à tout ce qu’on appelle culture. « 
Emmanuele Coccia, La vie des plantes – Une métaphysique du mélange

PHILOSOPHIE – « Si la philosophie peut revendiquer un rapport privilégié à la vérité, si c’est un tel désir et non une méthode, une discipline, un protocole, une procédure, qui saura nous amener au plus près de la réalité, c’est parce que le monde est l’espace où choses et idées sont mélangées de manière hétérogène, disparate, même imprévisible. Une échange synaptique gît dans le même espace événementiel d’un poème qui est en train de s’écrire, d’une brise, d’une fourmi qui cherche la voie du chez-soi, d’une guerre qui démarre, et tout est lié à tout, sans qu’il y ait une unité supérieure à celle du mélange, sans que les causes et les effets ne soient ordonnés selon le critère de l’homogénéité formelle ou de l’isomorphisme. « 
Ibid., p. 145

AUTOTROPHIE – « Au fond, la vraie connaissance du monde ne peut qu’être une forme d’autotrophie spéculative: au lieu de se nourrir toujours et exclusivement des idées et des vérités déjà sanctionnées par telle ou telle discipline dans son histoire (avec inclusion de la philosophie), au lieu de vouloir se construire à partir d’éléments cognitifs déjà structurés, ordonnées, dressés, elle devrait transformer en idée n’importe quelle matière, objet, ou événement, exactement comme les plantes sont capables de transformer en vie n’importe quel bout de terre, d’air et de lumière. Cela serait la forme la plus radicale d’activité spéculative, une cosmologie protéiforme et liminaire, indifférente aux lieux, aux formes, aux manières dans lesquelles elle est pratiquée.»
Ibid., p. 146-147

… une forme pulsionnelle de connaissance, qui ne se laisserait arrêter par aucun savoir

« L’AUTOTROPHIE – c’est le nom donné à cette puissance de Midas alimentaire, celle qui permet de transformer en nourriture tout ce qu’on touche et tout ce qu’on est est – n’est pas seulement une forme radicale d’autonomie alimentaire, c’est surtout la capacité qu’elles ont de transformer l’énergie solaire dispersée dans le cosmos en corps vivant, la matière difforme et disparate du monde, en réalité cohérente, ordonnée et unitaire.
Si c’est aux plantes qu’il faut demander ce qu’est le monde, c’est parce que ce sont elles qui « font monde».
ibid., p. 20

PHILOSOPHIE – « Impossible, enfin, de distiller une méthode unique; la seule méthode est un amour extrêmement intense pour le savoir, une passion sauvage, brute et indocile pour la connaissance sous toutes ses formes et dans tous ses objets. La philosophie est la connaissance sous l’empire d’Éros, le plus indiscipliné et le plus rude de tous les dieux. Elle ne pourra jamais être une discipline : elle est, au contraire, ce que devient le savoir humain une fois reconnu le fait qu’il n’y a aucune discipline possible, ni morale ni épistémologique.« 

mardi 19 septembre 2017 · 11h44

La vie des plantes, E. di Coccia

Il va falloir que  je range ce livre, lu cet été, « La vie des plantes »,  c’est toujours un moment que je déteste. Je déteste ranger un livre, je déteste m’en séparer, il me semble toujours que je n’en ai pas fini avec lui, qu’il faudrait que je le lise encore, que je ne suis pas suffisamment parvenue à l’assimiler. Je déteste l’oubli qui menace. S’agissant de ce livre, dont je me suis sentie très proche,  je me suis demandée quelle aura été son expérience à Emmanuele di Coccia, de ce souffle, par lequel  il relie le ciel,  la terre et les arbres. Le lisant à la campagne, il me semblait que ma propre  expérience du lien avec cela qui nous environne, se renforçait, s’embellissait, se révélait de façon nouvelle. Le chi (ki)  que je connais en tai chi m’a  paru proche du pneuma, du souffle qu’il décrit. Je me demandais quelle expérience physique, quelle pratique peut-être, lui avait  inspiré ce livre dont l’ample souffle m’a touchée comme rarement.

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