(bruit et fureur)

c’est la nuit.  je me réveille au son de ces mots :  « bruit et fureur » . angoisse incroyable. je me lève pour en sortir. mère ici, suis dans salle de bain. hier soir f disait : « ta mère, c’est violence et bruit ». que dire de cette angoisse. les mots, les phrases que j’entends, me répète, qui déjà s’en vont. « j’ai plus de corps que de nom ». repris du solian, me lave les dents. dans mon « délire », je pensais que j’allais être hospitalisée.

pourtant, j’étais sur la piste d’un nouvel objet –  léger, presque drôle, envoyé par un rêve fait en suisse la semaine dernière, où figuraient des tranches de pamplemousses en forme de tranches d’ananas (trouées, de douces couleurs différentes). c’était si léger. si léger. j’avais pensé : « ah, c’est comme la salade mangée hier soir qui m’avait parue si délicieuse, de par sa légèreté même ».  j’avais pensé, le voilà qui s’offre à moi, cet objet, l’objet rien, sous de nouveaux auspices d’ah! délices! 

mais, là, c’est comme si :  plutôt l’objet m’envahit. et avec ma mère ça passe à l’impératif  : donner surtout rien. c’est ce qui (me) domine quand je suis avec elle. surtout rien lui dire. rien lui donner. rien prendre. voudrais maintenant me coucher près d’elle. je ne pense pas du tout que le solian me convienne. peur que corps et personne deviennent horribles et que plus aimée de f.

vais retourner au lit – espère apaisement.

un manque ici recouvre un autre manque

dimanche, lendemain des ateliers
atelier chi et santé suivi par atelier de méditation
avais la veille envoyé à n.  l’ensemble  des textes écrits jusqu’à présent sur la méditation et le taï chi (qu’il serait d’ailleurs bon que je relise, analyse) –  du coup, n’étais plus dans la belle et bonne distance, indifférence que j’avais fini par atteindre

1. chi et santé

travail sur le plexus solaire (encore un de ces endroits dont je ne ne suis jamais sûre, au moment où il est nommé, d’où il se trouve…) 

peau d’abord, puis sous la peau, puis très profond /  main gauche sur plexus côté gauche, main droite posée en antenne  / main droite « déplace » sorte de vague souterraine (que l’on a mis un certain temps à réveiller) côté gauche, du haut vers bas, du pouce vers le petit doigt de la main placée sur le plexus, puis redirige le tout vers tantien

ce qui a été remarquable, c’est l’effet que ça m’a fait. ressenti non pas au niveau du plexus, mais dans le pied gauche, dans le haut du pied gauche !!!

c’était la révolution dans le pied. 

ce qu’il y avait à sentir au niveau du plexus solaire, je ne le ressentais pas là, mais au niveau du pied gauche, très très nettement et même très agréablement, et même des deux pieds. et  je ne m’en suis sur le moment même pas tellement étonnée, je me suis juste dit, voilà, c’est ça, c’est un déplacement (comme on parle de déplacement en psychanalyse) et la facilité que j’éprouve dans le tai chi avec les pieds, ma sensibilité particulière de ce côté-là, vient de ce que les sensations perdues, réprimées, anesthésiées au niveau du ventre, se sont déplacées, sont allées s’exprimer au niveau des pieds. bon sang, pourquoi ça m’arrive à moi, pourquoi ça m’arrive et que je doive le raconter!!!)

je l’éprouve et j’en suis certaine, mais je n’en suis pas moins convaincue que cela peut paraître, doit paraître complètemement débile.

bon, je ne peux pas chercher plus loin pour le moment. faut que je me dépêche de dire un mot ou deux de la méditation qui a suivi, puis que je passe aux véritables actions de la journée (construire le lit de jules).

(f. qui se réveille, qui est malade mais qui va mieux,  dit qu’il veut du steak haché. donc, faut que je me dépêche encore plus.)

2. méditation

après un long travail sur la posture, durant la méditation, je n’arrive à remarquer que certains craquements  que j’entends au niveau du plafond, au-dessus de moi, vers la droite. parfois rejoints par d’autres craquements  plutôt provenants  de la gauche et du bas. heureusement la forte respiration de mon voisin s’est entre-temps faite plus discrète, mais je ne parviens à rien trouver d’exaltant aux craquements que j’entends. veux-je d’eux, me dis-je, veux-je de ces craquements, non, je ne veux pas de ces craquements. j’ai beau faire, je ne leur trouve RIEN et leur rien s’étend à tout.

pour la première fois, je me demande ce que je fous là.  j’y suis sans attache, ni sens.

à un moment, la faille discrète du chant d’un oiseau, la lumière du printemps qu’il annonce, le souvenir de la nature, pourrait venir éclairer mon visage, mais je rejette cette échappée factice, facile. je m’en tiens à ce pesant ennui. ce repli.

de penser à f et j ramène peut-être un peu de sens. je ne sais pas si je ne culpabilise pas un peu. est-il vrai que l’autre soit nécessaire à l’advenue du sens. mais quid alors de la fondamentale solitude, qu’est-elle? elle et son absurdité? et l’est-elle, absurde ou n’est-ce que la culpabilité qui parle. et que générerait-elle?  de quoi est-elle d’office coupable, cette solitude? et si ce n’est pas le sens qu’on cherche là, dans ces séances de méditation, si c’est au contraire vers la rencontre de son absence que l’on s’avance : alors quoi? (et qu’on viendrait à la trouver : alors quoi?)

n. propose alors, en  fin de méditation, d’accueillir en soi quelqu’un, je ne sais plus quels étaient ses termes, elle a réactivé la respiration en l’évoquant, en l’associant peut-être à une « douce chaleur dans la poitrine », un creux où accueillir un autre, laisser venir quelqu’un, sans d’ailleurs chercher à choisir la personne. mais je ne veux d’aucun, sinon f et jules.  ainsi peut-être vraiment n’est-ce que la culpabilité qui a « parlé », qui a agi, dans l’aperçu, l’entrevoiement de ma coupable solitude.

(coupable : de ce qu’aucun sens ne s’y lie. qu’in-dé-cens.)

il s’agit là déjà de longs développements sur ce que j’ai ressenti. fondamentalement, il n’y avait guère plus que ces craquements que j’entendais occasionnellement, du désappointement et finalement, un peu de  chaleur recherchée côté f et j.

après, la méditation, et par curiosité de ce qu’elle pourrait en dire, n, de ce que j’ai ressenti,  je parle de ces craquements, de ce rien, du vide. mon sentiment est très neutre. elle parle. elle entend : rien. elle sourit. peut-être n’est-ce qu’à elle que j’ai voulu dire : tout cela n’est rien. 

( jules a acheté le steak haché)

sortant de là, je pense à ces termes de Lacan : « un manque ici recouvre un autre manque« . 

et je songe qu’il va bien falloir que je m’en détache de cet objet, rien, qui n’est pas rien, comme le disait d’ailleurs n. puisque le rien n’est pas le vide. 

rien n’est le nom d’un manque, n’est que l’objet, l’enforme qui vient recouvrir un autre manque, plus fondamental, plus vide.

en sortant, j’aurai pensé (voulant dire : cela sera ce qui s’est pensé) : il était donc là, c’est lui qui sera venu se présenter, cet objet que je connais : ce rien dont il faut que je me détache. et peut-être est-ce lui qui a couvert le vide du mot d’ennui (comme d’un vernis). 

car que sait-on du manque, que connaît-on sinon tous les avatars que l’on en forge, que l’on enforme

(le détachement du rien : au travail de quoi je suis. peut-être ce travail est-il infini. peut-être n’y aura-t-il rien de plus que ça :  ce mouvement de détachement, de décollement. ou pas. ce que je fais ici : rien. le blog : quel pour-rien me permet-il de le faire? (c’est parce qu’il est fait pour rien que j’arrive à le faire) à la gloire du rien dans nul achèvement (et donc surtout pas de livre). c’est le le blog en lieu et place du le-livre. je suis en guerre contre les idéaux, car ils m’ont rendue impuissante. car ils m’ont condamnée à ne rien-faire. car l’idéal chez moi est toujours de l’Autre , à portée de l’Autre (Sbarré flèche S1), l’idéal est S1, et à S1 : je désobéis. tandis que rien est le nom de ce que j’ai dans le ventre. S barré flèche S1 et Sbarré sur petit a – petitau nom de rien. avatar : rien. ce rien de réel. on aimerait dire : il y a juste lieu de s’en décoller, de ne pas s’y identifier.)

(tout ça pour ça; pour rien)

Donn. réveillée à 6h50. j’entends le bruit du chauffage,  je déteste le bruit du chauffage.  je déteste les manifestations de tout ce qui tourne pour rien, à vide. 
le chauffage qui chauffe la nuit, c’est pour rien, c’est comme ça. l’hiver, la nuit, c’est soi au fond du lit, tout autour le froid.
c’est une question d’éducation, aussi.
et si ça avait été de la part de mes parents une façon d’être radin. qu’est-ce qu’être radin? s’agit-il d’être près de ses sous, sont-ce les sous qui comptent, ce qu’ils comptabilisent? enfin, comment auraient-ils pu être près de leurs sous, ils n’en n’avaient pas. s’agissait-il alors de ne pas en avoir. de faire ce qu’il fallait pour n’avoir pas de sous. ne pas dépenser pour ne pas avoir à avoir (de sous) (préserver l’être). c’est, de toutes les façons, plus proche de ça. 
mais, c’est autre chose. autre chose que ça que je n’aime pas dans le pour rien du chauffage. 
je n’aime aucun pour rien
auquel je m’identifie, comme si ma vie. pour rien
« il ne faut pas que ce soit pour rien. »
ne pas dépenser pour rien. ne dépenser que pour l’utile. quand commence l’inutile, où? selon Lacan, c’est la jouissance qui se définit de l’inutile. pour rien, c’est l’inutile. 
je logeais au sous-sol de la maison des mes parents (le reste de la famille dormait sous les toits). je me souviens, je me réveillais la nuit et je voyais par le jour qui encadrait la porte qui se trouvait face à mon lit que la lumière était allumée dans le couloir, que je l’avais laissée allumée, que je ne l’avais pas éteinte, qu’elle brûlait pour rien. c’est une sorte de souvenir-écran. quelque chose qui est arrivé plusieurs fois. il arrivait que je me lève, dans le froid, que j’ouvre la porte, monte, tourne l’interrupteur en haut de la volée d’escaliers, redescende dans le noir les marches en bois, passe ensuite sur le carrelage, me glisse à nouveau ,frissonnante, dans mon lit. mais, le plus souvent, non, le plus souvent je ne me relevais pas. je me laissais emmailloter par une culpabilité triste et sourde. c’est quelque chose que je n’ai pas raconté en analyse. qui n’a pas trouvé sa place, son moment. c’est un souvenir qui cependant me poursuit. je ne me levais pas pour éteindre la lumière. aujourd’hui encore, cela me poursuit. je laissais l’électricité se consommer pour rien. 
moi-même, je me sens comme cette électricité qui brûle, qui se consomme pour rien. je me sens privilégier ce qu’il ne faut pas. l’inutile à l’utile. le pour rien à pour quelque chose. et pourtant je déteste ça. 
c’est quelque chose que je n’arrive pas à saisir. 
que ça ne compte pas. ce qu’il faut : que ça ne compte pas. 
car, il y a dans ce que je continuerai d’appeler la radinerie de mes parents, quoique j’aie pu en dire plus haut, une radinerie à l’envers, une radinerie pour n’avoir pas, une façon de comptabiliser, de vouloir comptabiliser la jouissance : et le compte , c’est toujours : trop. trop cher. donc, tenter de maîtriser la jouissance, le pour rien, l’inutile, en le comptabilisant, en vivant près de ses sous que l’on n’a pas. 
l’idée, c’est de ne pas dépenser, de ne pas consommer. 
c’est curieux , parce qu’elle a été au cœur, cette idée, de mes deux dernières colères : donc, tu ne veux pas que je dépense, tu ne veux pas que je coûte de l’argent, tu regrettes que je vive. car malheureusement vivre coûte. ai-je lancé. 
et : donc, je ne vaux pas cet argent, je ne vaux rien. 
que la surveillance par mes parents de leurs dépenses, de nos dépenses, de mes dépenses, je l’aie également vécue, étant donné que tout coûte, comme un reproche fait à ma vie. et alors que je me sente si coupable. de toutes ces dépenses pour rien
que pour rien, c’était pour vivre. qu’il y a dans le bruit du chauffage la nuit aussi le bruit de la vie. elle qui m’a réveillée ce matin, et l’insupportable de ce qu’elle se consomme, consume pour rien. et qu’il en aille d’elle, comme de moi. 
et comment je m’acharne à ce que vraiment, tout soit pour rien. (cet échec encore récemment , avec JC.) à désobéir à mes parents.  
à défendre mon être de rien. 
que je hais. 
si bien défendre rien, que rien devienne quelque chose, quelque chose, la seule qui compte. 
que mes parents d’ailleurs eux-mêmes défendaient : puisqu’il s’agissait de ne rien avoir, de n’avoir pas d’argent. d’être sans rien. d’être comme les oiseaux des cieux et que Dieu s’occupât d’eux. 
on n’y comprend plus rien . 

mes lettres cherchent elles aussi à comptabiliser le jouissance : par le conte. enfin, tout cela mérite d’être nuancé.

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