De l’art invendable.

31 janvier 2013 | janvier 2013 | art, ce qui ne cesse pas de s'écrire | , , , |

En réponse à :

J’en viens parfois à me demander s’il ne faudrait pas se mettre à fabriquer, à créer des objets d’art, de l’art, qui ne puisse pas se vendre. Est-ce possible de créer de l’art invendable. Non pas gratuit mais invendable ? Bon, je sors du sujet mais je poste quand même, je réfléchis tout haut et je partage.
EV

De l’art invendable.

Je me demandais si ça ne serait pas vendu du moment où ça porterait le nom d’art, l’estampillage, la marque.

/ Ce à quoi travaille le Museum of Everything – faire sa marque, but prôné. Mais, s’agit ici de la marque d’un musée, pour, paradoxalement, exposer des gens qui ne se revendiquent pas en tant que tels, artistes. /

Par ailleurs, il y a beaucoup d’art invendu, invendable.

La marque, le nom propre, la brand, le branding sont ce qui font vendre.

Le nom propre est ce que rien ne justifie. C’est ce qui n’est pas choisi et qui s’appose à vous, pour vous représenter. C’est un signifiant pur, complètement arbitraire, absolument vide de sens. (un prénom, lui, trouvera sa source dans le choix des parents, marque de leur désir.) Le nom propre n’est pas choisi, il vous tombe dessus et incombe à votre responsabilité. Il ne suffit pas d’avoir un nom, pour n’avoir pas à s’en faire un. Ou de vouloir en changer, s’en faire un neuf – souvent comme artiste. Houellebecq qui choisit de prendre le nom de sa grand-mère, qui l’a élevé.

Par rapport au prénom, le nom vient de la nuit des temps. Gros de ce réel là de la traversée du temps, de l’insondable origine, du « meurtre de la chose » et de l’immortalité. Le réel du nom répond du réel de la personne (persona, masque). « Un manque ici recouvre un autre manque ». Celui du nom recouvre celui du corps. Un nom n’est pas moins à (se) faire qu’un corps, ne vous est pas moins étrange.

Ceci pour chercher traquer pister ce qui, de ce signifiant pur, fait son prix.

Le prix (hypothèse) vient sur ce qui justement échappe à toute raison. Là est le désirable et le jouissif. Et alors dans sa circulation. Un nom propre circule dans le discours. Ce qu’un corps ne fait pas. Ce dont il faut avoir peur aujourd’hui, c’est de la réduction de chaque chose en pur objet de discours, en pur signifiant, séparé de toute signification, en quoi il « répond » du réel qui en réchappe toujours. La réduction au signifiant (comme objet de jouissance et de circulation) et le rejet, la forclusion du corps (quand il n’est pas lui aussi réduit à un objet de commerce).

Restaurer son prix au commerce des hommes, la gratuité. Or-  si c’était si simple –  à la gratuité vient toujours se greffer l’amour et là on est foutu (voie ouverte à tous les abus.)

Écrit au réveil, de neuf heures à 10h, sur mon téléphone, dans le noir, non relu.

RE: Le fonctionnement des machines

31 janvier 2013 | janvier 2013 | brouillonne de vie | , , , |

Monde réduit à son fonctionnement. Jouissance de ce fonctionnement.

Réflexion que je me fais probablement en suite à ce que nous nous disions hier soir, F. et moi, en rapport avec le fonctionnement d’internet et de ses applications. Qu’il s’agit essentiellement de faire tourner. Que ça circule. Ainsi me parlait-il d’une interface à son travail censée fonctionner comme Facebook dont les utilisateurs ne s’occupent que de chercher comment la faire fonctionner.

Ce pourquoi j’aime les problèmes informatiques : on en vient toujours à bout.

J’ai essayé de mettre ça en rapport avec ce que j’avais lu chez Lagandré, que je n’avais pas bien capté, à cause de quoi je l’ai mal retenu quand il parle du  monde réduit à son usage, cet usage lui-même réduit à l’un, à l’unicité (la dosette, la lingette). Exemple qu’il donne de l’autoroute : une fois parcourue, sa consommation est achevée. Son parcours est sa consommation. À l’opposé de la route de campagne dont les usages possibles sont beaucoup plus nombreux, qui ne se laisse donc pas consommer (on peut faire des détours, s’arrêter, etc.)

Le fonctionnement de la machine. L’usage de la machine. La consommation de la machine.

Et ceci qui, je le crois bien, se rapproche de ce que j’avançais plus tôt ce matin (je suis toujours au lit, j’ai attelé Jules à Minecraft).

Lagandré souligne la caractéristique de l’usage unique, souligne ce qui se perd de l’équivocité du signifiant, le propre même de sa nature, quand à un signifiant ne se rattache plus qu’une seule et unique signification, qu’il y perd la perte (de sens) et le sens lui-même . Comme dans le langage informatique.

// il faut que je vérifie, tout de même, dans Lagandré, si c’est bien l’usage et la perte de l’équivoque qu’il cherche à rapprocher. //

// + comment nomme-t-on un signifiant qui n’a plus qu’une seule signification; s’agit-il encore d’un signifiant? ou plutôt d’un signe? //

Hypothèse : cette seule et unique signification est toujours la même : vide, et ne vaut que par sa marque (entendre : schlague, entendre coup, comme un coup de fouet), sa brand.

Ce qui est recherché : se mettre sous le coup, dans la marque, être marqué. Retrouver le moment du coup. Délire. Est-on ici encore dans le fonctionnement de la machine ? On est dans le fonctionnement de la machine, dans son langage, son écriture, ou +, ou -. Le suspens de ça.

La machine n’est pas humaine, en ceci que c’est de par l’univocité de son langage qu’elle fonctionne. Ce qui n’est plus supporté, c’est l’équivoque. C’est l’équivoque qui fait le trumain. Je veux te dire ça, et ce n’est jamais ça. Le repos de la machine, c’est qu’elle ne veut rien dire, elle fonctionne selon un langage qui ne veut rien dire. L’insupportable, c’est le vouloir. C’est le ratage.

Je prétends moi, que c’est nous qui cherchons à devenir des machines non-humaines, célibataires. Cela est, selon moi, politique.

Le gratuit qui devrait l’être et qui se voit pris en otage par le marché, par ce qui marche, ce qui fonctionne, c’est l’homme qui reconnaît son prix à ce qui y échappe absolument et qui cherche à l’intégrer dans ce qui marche, le marché, le commerce des hommes, là où ce commerce n’est plus celui des hommes mais des machines (à calculer).

Le monde réduit à une image et un chiffre.

Ne pas relire. Vous saluer. Prendre un bain. Rejoindre Jules.

(mercredi matin)

Des modes lacaniens

31 janvier 2013 | janvier 2013 | brouillonne de vie, ce qui ne cesse pas de s'écrire | |

Soit un monde qui « ne cesse pas s’écrire », un monde de la nécessité.

Ne pas cesser de s’écrire(le réel) pour ne pas rencontrer ce qui ne cesse pas de pas s’écrire (le réel)

« ce qui ne cesse pas de s’écrire, le nécessaire, c’est cela même qui nécessite la rencontre de l’impossible, à savoir ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire, qui ne peut s’aborder que par les lettres. « JL

ce qui ne cesse pas de s’écrire :
  l’addiction,
  l’internet,
  la science,
  les séries télévisées où ce sont les cadavres qui parlent ( où la police scientifique peut lire dans leur corps la signature de leur assassin; du point de vue de la société scientifique, nous sommes ces cadavres),
  la pensée (obsessionnelle),
  le marché,
  la finance,
  les flux,
  mes lettres d’amour,
  la marque, le branding,
  la répétition (névrotique),
  la machine,
  les listes (de course, de choses à faire),
  etc.

A cette nécessité s’attache un certain type de jouissance dont il est seulement nécessaire d’affiner la description. Lui donner la possibilité d’aller au plus loin d’elle-même, au plus précis de l’énigme qu’elle enserre, qui elle ne cesse pas de ne pas s’écrire (réelle, impossible). Aller au plus loin, suppose de trouver la ressource qui permette d’en supporter la honte. D’en rencontrer la honte. Et cette ressource, je n’en pressens actuellement pas d’autre que celle qui se découvrirait conceptuellement, dans le discours, dans une pratique de discours. L’éthique en effet n’est qu’affaire de discours. Il n’y a que le discours (la contingence, le possible) qui puisse juxtaposer les plans de l’innommable et de l’universel. Et qu’il y s’agisse d’un usage du discours qui ait assimilé, trouvé comment rendre, rendre compte de l’hic et nunc de la vérité qu’il vise et peut trouver à refléter, cette vérité quand elle petite sœur de jouissance et donc attient au réel. Cette démarche est à des lieues d’une résignation cynique. Au contraire elle comporte un consentement, voire même une réjouissance.

En passer par la contingence (l’écriture, l’amour, le sexe, la rencontre, la voix, la parole, etc. ) / ce qui cesse de ne pas s’écrire / permet surtout de sortir de la routine, d’imprimer éventuellement de nouveaux circuits à ce qui sinon répèterait toujours le même trajet.

La contingence, c’est toujours le traumatisme, la rencontre de ce qui n’est pas soi, de ce qui n’est pas (en-corps) inscrit en soi.

Entretien avec Marcel Duchamp

9 février 2013 | février 2013 | art | , , , , , , |

Entretien avec l’artiste Marcel DUCHAMP (1887-1968), fait en juin 1967, portant uniquement sur les « ready-made » inventés à New York. L’interview est faite à Paris à la galerie GIVAUDAN. Le ready made est né d’un ensemble de conclusions : de nombreux éléments d’un tableau sont achetés tout faits, la toile, les pinceaux… en poussant le raisonnement jusqu’au bout on arrive au « ready made ». Lui, l’artiste ne fait que signer. De toutes les façons une œuvre d’art est toujours un choix de l’artiste. Le ready made doit être indifférent à son auteur, ce n’est pas un choix esthétique. On doit se débarrasser de cette idée du beau et du laid. Les premiers « ready made » remontent à 1913, c’est « la roue de bicyclette ». La première chose qui l’a intéressée c’est le mouvement, puis il a compris que le mouvement n’était pas nécessaire. En 1914, est venu le « porte bouteille », puis en 1915-16, il a cessé d’en faire depuis très longtemps. Il commente  » l’effet rétinien » qu’il utilise à propos des tableaux. Il n’aime pas beaucoup l’art abstrait à cause de « l’effet rétinien ». Un ready made ne doit pas être regardé, on prend notion par les yeux qu’il existe, on ne le contemple pas. Il suffit de prendre note. La notion de contradiction n’a pas été assez exploitée. Les readymade ne sont qu’en huit exemplaires. A la simple reproduction d’un readymade, il manque la troisième dimension. Il s’explique par l’œuvre « Pharmacie ». Ce n’est pas l’effet rétinien qui compte pour le readymade, il peut exister seulement par la mémoire. L’œuvre n’est plus rétinienne. Les phrases des readymade sont des couleurs verbales, elles ne sont ni descriptives, ni explicatives. Les readymade avaient été oubliés, on ne les retrouve que maintenant. Il ne fait rien, attend la mort, les questions d’art ne l’intéressent plus.

Le niveau de l’usage est pour le dernier Lacan un niveau essentiel

10 février 2013 | février 2013 | Cut&Paste, psychanalyse | , , , , , , , , |

Le savoir-y-faire n’est pas un savoir, au sens du savoir articulé. C’est un connaître, au sens de savoir se débrouiller avec. C’est une notion qui, dans son flou et son approximation, me paraît essentielle de l’ultime Lacan – savoir se débrouiller avec.

Nous sommes là au niveau de l’usage, de l’us – vieux mot français que vous retrouvez dans l’expression « les us et coutumes », qui vient directement du latin usus et de uti, se servir de.

Le niveau de l’usage est, pour le dernier Lacan, un niveau essentiel. Nous l’avons déjà abordé, ne serait ce que par la disjonction du signifiant et du signifié. Le dernier enseignement de Lacan met en effet l’accent, contrairement à « L’instance de la lettre », sur le fait qu’il n’y a aucune espèce de lien entre signifiant et signifié, et qu’il y a seulement, entre signifiant et signifié, un dépôt, une cristallisation, qui vient de l’usage que l’on fait des mots. La seule chose qui est nécessaire pour qu’il y ait une langue, c’est que le mot ait un usage, dit-il, cristallisé par le brassage.

Cet usage, c’est qu’un certain nombre de gens s’en servent, « on ne sait pas trop pourquoi», dit Lacan. Ils s’en servent et, petit à petit, le mot se détermine par l’usage qu’on en fait.

lire avec ses pieds // si le corps est le registre du réel, l’acte qui consiste à lire avec ses pieds a un poids de réalité qui manque à la lecture effectuée au seul moyen de l’oeil

15 février 2013 | février 2013 | art |

Merci Juliet pour ces images, l’évocation de cette exposition, Dylaby,  au Stedelijk d’Amsterdam en 1962. Exposition que je ne connaissais pas.

Intriguée aussi par la troisième image, la plus grande, que je n’arrivais pas à « déchiffrer », me demandant s’il s’agissait d’un montage, j’ai fait des recherches (pas plus loin que sur le net) et  lu un texte sur les labyrinthes dans l’art au XXè s. qui prend son départ de cette exposition et décrit la photographie qui m’avait donc intriguée.

Daniel Spoerri, Dylaby, Stedelijk Museum, Amsterdam
Daniel Spoerri, Dilaby, Stedelijk Museum, Amsterdam

J’y ai donc appris qu’il s’agissait de la proposition de Daniel Spoerri, lequel avait investi deux salles du musée :  plongé la première dans le noir et gardé pour la seconde l’apparence banale d’une salle de musée, si ce n’est que les murs en étaient basculés d’un quart de tour, si bien, dit l’auteur, Marie Escorne, que les spectateurs avaient l’impression de marcher sur les murs et, je la cite :  » Le spectateur constate alors physiquement que ‘si le corps est le registre du réel, l’acte qui consiste à lire avec ses pieds a un poids de réalité qui manque à la lecture effectuée au seul moyen de l’oeil’. » (Rebecca Solnit, L’art de marcher)

L’article parcourt alors de nombreux labyrinthes, tire un fil qu’il m’a plu de suivre. Rappelle les promenades dans la ville d’auteurs comme Benjamin ou Baudelaire, plus tard suivies des dérives de Debord (sa psychogéographie), et enfin, termine avec les très beaux parcours, déambulations de Francis Alijs.

Je me suis demandée, et vous demande,  ce qui avaient tant plu à ces auteurs, artistes de la fin du XIXè qui parcouraient Paris, affamés, enthousiastes et si cet enchantement avait disparu aujourd’hui. Je me demande quelles  transformations s’opèrent entre les passages et les galeries de Benjamin, les cartes de Debord et les coulées de peinture d’Alijs (ou le Beretta dans sa main). Auriez-vous quelque idées là-dessus?

Je suis intéressée également par ses questions dans la mesure où je m’inquiète d’un certaine perte de corps (depuis le moment où j’ai été obligée de travailler dans un bureau, passant par celui où j’ai fait de la gym en salle pour maigrir, jusqu’à aujourd’hui où je ne quitte plus mon ordinateur sans éprouver un certain malaise et où il m’est bien difficile de ne pas relancer l’une autre nouvelle recherche Google au moment où il s’agit de sortir pour faire quelques courses alimentaires, etc, etc.)

Suis-je seule dans ce sentiment? Faut-il être nostalgique ou au contraire refuser cette nostalgie? Peut-on doit-on trouver les parades des parades des stratagèmes qui permettent de couper les corps de leurs nouveaux appareillages ? Ou faut-il les accepter, parce que c’est comme ça? Et d’autant que ces appareillages, ces nouvelles extensions du corps,  deviennent de plus en plus légers (mon téléphone est probablement un meilleur ordinateur que mon ordinateur)  et que dehors il fait froid et dangereux?

 debord-guide-psychogeographique alys-beretta Walter Benjamin, Ne pas trouver son chemin dans une ville

  Carte du tendre

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