Mois : décembre 2019
livre de cuisine
— n'être pas à la hauteur du réel
Notes:
- Est-ce qu’être à la hauteur d’un livre ce serait arriver à se recomposer en fonction de livre, arriver à l’intégrer dans son discours, sa vie, empêcher qu’il s’é-chappe-vapore-vanouisse, ne pas se contenter des traces inconscientes. Pourquoi cette exigence en moi? Pourquoi cette impossibilité? Parce que ma jouissance procède de la déconstruction. Et que cela trouve difficilement à passer la barre du discours commun, à échafauder quoi que ce soit. [↩]
vendredi 20 décembre 2019
Hier. Commencé journée trop tôt matin par écrire lettre à l’analyste pour lui dire qu’arrête l’analyse. Ensuite, bonne partie de la matinée passée au lit à ressasser. Quand finalement levée, amère discussion avec F, à ce propos, la lettre, la séance d’hier, passée lui-dis-je à essayer de nous sauver. Il me dit qu’il ne veut pas être comme mon père ou mon frère ou son père et nous écraser de paroles, nous voler la parole. Je lui dis que pour autant, il ne peut pas se taire, ne rien dire. Il dit qu’il n’aime que les artistes contemporains. Qu’il peut aller voir Le Greco, mais que cela ne le touche pas. Je lui demande si ce n’est pas une raison suffisante de se quitter.
Ensuite , à vélo pour MCH (fasciathérapeute), et là, formidable, enfin, tellement étonnant, je ne sais pas comment témoigner de ça, ni pourquoi cela est si rétif au témoignage, je me disais il faut que j’en parle à Jules et à Frédéric, ou que je leur écrive, je voulais l’interroger elle, je pensais, c’est comme un cadeau de Noël, le meilleur des cadeaux de Noël. Je ne sais pas comment elle fait, si elle pense qu’elle travaille avec le Chi, si elle sait ce qu’elle fait, comment elle l’a appris si je pourrais l’apprendre, j’essayais de tout prendre, accueillir, ce qu’elle me donnait, de l’inclure dans le « bonheur » qu’elle me procurait. Je ne sais même pas ce qu’elle fait. Elle a commencé par la nuque, puisque je recommence à avoir des problèmes lié à la hernie cervicale, frissons jusques aux pieds… (surtout aux mollets à vrai dire, face antérieure des jambes.) Et puis, tout à l’avenant. Tout mon corps se met à réagir, en ébullition, instantanément. En particulier jambe droite. Jambe gauche moins participante, plus difficile à réveiller, il faut que je m’y concentre, que j’y mette quelque volonté. Jusqu’à ce qu’elle trouve, point, zone qui réveille toute la jambe, dans la hanche gauche. Les mots me manquent et c’est dommage. À la fin, elle m’a dit Voilà, cadeau de Noël, je lui ai dit c’est exactement ce que je pensais !
Après, rentrée à la maison en vélo. Pas mal de stress. Jour tombait, gens fous, si nombreux, les cyclistes, avec cette grève. Tant de voitures aussi.
Retour, cette tension en moi, et cette envie de cigarette, si désagréable, je pensais que j’allais en acheter que j’allais craquer. À la place, j’ai fait des courses. Puis Dirk arrivé. Mangé quantité phénoménale de chips, bu, une bière et demi, à l’apéro, toujours tenaillée par envie de cigarette. Lui, mangeait, buvait très peu mais parlait beaucoup, en anglais. Moi surprise, à nouveau, d’avoir de telles difficultés à parler en anglais. Il parlait, de toutes sortes de choses, je pensais au reproches faits à F au matin, de ne plus chercher à parler, à dire. Les mots comme une main tendue. Il n’en peut plus de l’endroit où il vit, Dortrecht. On a fait le tour des villes du monde pour trouver où ils pourraient s’installer… Beaucoup mangé, repris du dessert, cette bûche légère au Blanc-Manger.
Miller, l’être et l’Un, Extraits
travail de désengagement – doutes
Je n’ai plus envie de faire du tai chi .
la valise
Tâche : recopier ici tout ce que j’ai pu écrire autour des valises, principalement des rêves.
Toute cette angoisse, ce type d’angoisse-là, la résumer, la chapeauter de ce seul terme : valise.
Écrire : l’avalise. Ou : l’avalyse.
Peut-être écrire à propos du train du livre d’Hélène Bonnaud récemment lu. Le corps, le meuble, le train. Non, ce n’est pas ça qu’elle disait, dont elle parlait, dans son livre, comment s’appelle-t-il, sur l’oubli, non sur l’attente. Monologues de l’attente.
Qui se passe dans des salles d’attentes de psy. Le train des pensées dans les salles d’attente de psy. Dans les gares aussi il y avait des salles d’attente, autrefois. Aujourd’hui, ce sont des halls. Transformés en espaces commerciaux. Plus de place pour l’attente nue.
Elle se souvient, Hélène Bonnaud, non pas elle, son personnage, l’un de ses personnages, dans une salle d’attente, d’une réflexion de Lacan sur les corps comme des meubles. Des meubles dans des trains, si je me souviens bien, dans des wagons, quelque chose qui évoque les trains de la mort, les trains des camps de la mort. Elle note ça, Bonnaud, comment cette phrase de Lacan évoque les camps. Enfin, ce n’est pas elle qui dit ça, mais son personnage. Et elle dit : heureusement que les corps c’est comme des meubles, sinon c’est trop de vie, sinon, c’est la peur. Ce qui est très curieux comme réflexion pour moi. Entassés dans des wagons, pour elle, les corps ne sont plus que corps, trop corps, trop en vie, trop en peur. Enfin, elle dit plus ou moins : vie =corps=peur. Ou corps=peur=vie. Et quand elle rentre dans le cabinet de celui qu’elle a choisi comme nouvel analyste, elle dit : il sera mon anti-corps. Alors, on lui souhaite quand même, qu’au contraire il lui fasse connaître un autre corps, un corps en vie qui soit de bienfaits, non de peur.
Aussi, elle a cette expression : je me trimballe mon corps. Train-balle.
Moi, je ne me train-balle pas mon corps. Mais je ne supporte pas qu’il le soit, train-ballé.
Quand les vacances arrivent, du déplacement, ce qui m’insupporte, c’est l’impression de le subir. Quelque chose se « métaphorise réellement » d’un insupportable, que je n’arrive pas à cerner.
Et qui résonne avec ce dont il est question dans ce livre, les camps, la mort. L’attente sur les quais. La valise.
La valise posée au sol. Soulevée. Transportée, changée de main. D’une main à l’autre. Lourde, trop lourde. Aujourd’hui, la valise à roulette, tirée. Étiquetée ou pas, qui devrait l’être. Qui pourrait être volée. Égarée, oubliée, perdue. À laquelle de nombreux objets pourraient manquer. As-tu bien fait tes valises. N’as-tu rien oublié ? Que ne contient-elle pas ? La soute à bagage, le compartiment à valise. Le temps de suspens du voyage. Les bagages.
Ce qui se métaphorise ? Quoi, de soi ? De sa vie ? De son être ? De son corps ? Du suspens? Oh temps suspens ton vol. Du déplacement ? De la vacance ? Vacance à soi ? Arrachement à sa quotidienneté ?
Voyager léger. On voudrait voyager léger. Se voit-on rappelé à son propre poids ? Rappelé à ses propres manques ? Oubli ?
Qu’est-ce qui se dé-fixe ?
S’agit il de souvenirs de vacances enfantines où l’on était subitement transporté ailleurs, dans l’inconnu, l’étranger.
Si c’est cela, précisément, qui m’insupporte, comment, à l’âge que j’ai, ne puis-je le surmonter ?
Transport dans l’inconnu. L’étranger.
Cet étranger, que métaphorise-t-il ?
Oui, mais quand on sait où on va, très bien, quand c’est un lieu où on ne cesse de retourner, pourquoi faut-il que l’angoisse subsiste ?
Qu’est-ce qui veut continuer à se réitérer. S’itérer à nouveau : une nouvelle fois avoir lieu comme si ça n’avait jamais eu lieu, à chaque fois neuf. Itération de l’oubli, de l’oubli de soi.
Alors l’étranger, le transport en wagon, comme un nom de la perte de soi, de grand oubli, de jouissance.
Jouissance, absence, d’autant plus grande si le train est train de la mort.
Tous les trains sont-ils (devenus) de la mort ?
(Une situation de la réalité recoupe quelque chose d’autre écrit à l’intérieur, quelque chose qui appartient au vocabulaire de l »inconscient. Tous les trains pour la mort. Pour toujours et à jamais. Toutes les valises ce qui s’ emporte en ces contrées. Comme disait mon père (sur son lit de mort), Tous juifs. Pardon à eux. De m’être emparée de leur malheur. Je ne l’ai pas choisi. C’est lui qui m’a prise. Et les étoiles sont jaunes de la nativité.)
Légende. Nos légendes.
La jouissance est un arrachement. Dès qu’il y a valise, y a arrachement. Ça s’arrache de ce qui fait l’ordinaire substantifique moëlle : les pensées quotidiennes. La jouissance est une séparation. La séparation veut la plus grande séparation.
En tai chi, j’apprends à m’arracher doucement. J’apprends le détachement lent.