à nouveau réveil vers 4 heures. écœurée. écœurée de moi-même. par ma propre inutilité.
le monde à distance d'une lettre
à nouveau réveil vers 4 heures. écœurée. écœurée de moi-même. par ma propre inutilité.
on a chacun ses plus ou moins grandes obsessions. je sais d’où vient que je sois obsédée par la Palestine et ce que commet aujourd’hui Israël. ça ne s’apaisera pas. ce serait lié à quelque chose de l’ordre du trauma et à la façon dont ça s’est combiné en moi pour y répondre, pour s’organiser, une organisation que je traite comme une maladie, considère comme une maladie, par où je cherche à m’absoudre, ce n’est pas moi, c’est la maladie, cette maladie honteuse qui m’a conduite à mener une vie d’inutile et d’exilée, dont le destin ne trouve à s’accomplir que dans le ratage, auquel je cherche seulement à donner un peu d’allure, à défaut d’en avoir aucune. partout: maladie. et chaque instant de ma vie tout entier tourné vers moi-même, à tenter de trouver grâce à mes propres yeux. depuis le diagnostic toutefois, relativement récent, j’ai pu finalement renoncer à exiger de moi des choses impossibles et me suis pardonnée beaucoup. diagnostic que j’ai endossé comme un nouveau costume et qui me tient.
cette obsession à propos ce qui se passe en Palestine tient à mon lien probablement indéfectible moins au monde juif, que je ne connais finalement peu, qu’à ce que j’appellerai ici l’être juif, à la place immense que cet être a pris en moi, être imaginaire et réel à la fois, réel en ce qu’il a organisé ma conception du monde, c’est cela l’héritage de mon père et de mon grand-père, et réel en retour de la souffrance où je suis du silence du monde alors même que se passe ce que suis bien obligée de me résoudre à appeler génocide, à quoi je ne consens qu’avec répugnance, tenant malgré moi à l’absolution d’Israël, ce qui est une erreur, une lâcheté, une rémanence d’un monde qui n’est plus, alors même disais-je donc qu’un génocide a lieu dans les souffrances les plus inouïes dont les mots ne cessent de me manquer, ne cessent de me creuser, ne cessent de me percer, de me vriller, qui veuillent dire ce que je ne cesse de voir sur mon tout petit écran, sur mon téléphone. tout cela me travaillant par en dessous, souterrainement, sans jamais se révéler directement à moi, ne se manifestant que dans cette obsession, ce grand désarroi. ce sentiment d’ultime imbécillité, débilité, inutilité.
et comme il est de ma nature (maladie) de m’auto-accuser, je m’accuse aussi de cette obsession, intégrant les critiques de ceux qui ne pensent pas comme moi, interprétant le silence de tous ceux qui se taisent (et qui m’accusent (d’anti-sémitisme)). ou encore je m’accuse d’entretenir une passion pour la palestine et l’injustice qui n’est jamais qu’une passion d’addiction et mauvaise pour une histoire dont le feuilleton s’éternise et dont je jouis autant que des petits chats que je swipe d’un doigt sur instagram ou des séries sur Netflix. accusation très grave, bien évidemment, gravissime. tandis que tout en même temps et tout aussi fort, je m’accuse de ne pas arriver à parler à ceux de mes amis qui ne jurent plus que par le 7 octobre, qui sont dans l’entretien d’un traumatisme qui les empêche d’avoir la moindre empathie pour les Palestiniens, qui persistent à ne vouloir pointer du doigt que les dangereux islamistes tout en se fermant ardemment les yeux sur ce qui se passe et en accusant le monde entier, face à eux donc je me reproche (violemment) mon propre silence, mon incapacité, ma stupidité et ma lâcheté. et c’est ce silence chez moi, en moi, qui me pousse à m’intéresser à là-bas encore et encore, jusqu’à enfin trouver le mots pour leur dire. alors je me dis, Véronique : toi aussi, ferme les yeux (si ça se trouve ta bouche s’ouvrira, mais ça c’est la phrase qui veut que j’écrive ça, pas moi). est-ce que c’est ça, est-ce que je suis là sur cette terre seulement pour ça, dans le vide crier à l’injustice. s’agit-il seulement d’injustice. il s’agit aussi d’injustice. j’écris ceci sous la couette, mon chat sur les pieds. suis-je là seulement pour accuser ? le drame de gaza sert-il seulement d’exutoire à ma passion de l’accusation (à ma parano). enfin, on a là une petite idée de ce qui me torture non pas non-stop* car j’ai mes trucs la plupart du temps pour amortir les coups de ces pensées funestes.
enfin tout ça pour dire que je peux supposer aux autres d’être semblablement attachés à leurs obsessions, éventuellement opposées aux miennes, ou situées tout à fait ailleurs, par des causes profondes. c’est qu’on ne choisit pas toujours, n’est-ce pas, ses obsessions.
tout ceci ne cessant d’être mal écrit, de se refuser à l’écriture
*et en même temps que tout ce qui s’est écrit ici ne se dit pas comme ça dans ma tête, dans ma tête, c’est mots déliés, phrases inachevées, impressions fugaces, lettres aux un.es zé zaux zautres adressées et subitement interrompues, c’est l’insaisissabilité même, et ça se mêle à d’autres soucis, un fragment pour l’alzheimer de la mère, pour l’accident du fils, pour les visions de Kafka, pour des problèmes techniques à résoudre, pour le brouillard, pour le féminisme que je n’ai pas suffisamment accroché, pour dire ce qui me pousse à prendre cette photo, pour une cigarette, pour l’âge de la mort de mon père dont je me rapproche, pour les livres que je ne lis pas, tout ce dont je ne parle pas, tout ce dont iels ne me parlent pas, quoi d’autre, etc. déjà ça donne une idée.
— 16h 44 —
donc, cette nuit insomnie avec retour des FrM mais qui jouaient en sourdine (avec des choses qui flottaient devant???)
depuis hier mal de tête
est-ce bière ou vin ? pain ou fromage ? ou le découragement habituel ?
F adorable
pensé que j’avais 61 ans et que mon père était mort à 66.
— 19:44 —
probablement de nouveau malade (?)