vendredi 1 novembre 2024 · 11h44

incidemment

— 11:51 —
réveillée ce matin à six heures, envoyé deux mails à H puis rendormie jusqu’à maintenant, 11h50 ! voilà qu’il me répond déjà. j’avais craint d’écrire trop long et remis de répondre à son précédent mail, mais apparemment, non. Hier pris 2 Reishi, mais je ne sais plus ce qui aide ce qui n’aide pas. je crois que je vais arrêter avec ça. peut-être un temps Lion’s Mane à cause de l’espoir, mais. bu de l’eau chaude avec du citron et de vinaigre de cidre. hier, avec F, film/concert à la maison de la culture du Japon, GiFT avec Kayo venue du Japon pour l’expo de Tori Kudo organisée par F à la galerie Treize. après, bu un verre avec Michel. Guillaume là aussi avec ses beaux yeux bleus et des amis à lui. semaine très sociable pour le coup, rarissime.

— 17:06 —

blog 
avais prévu la veille d’imprimer le mois de mai 2012, au lieu de quoi j’ai lu les mois qui précédaient. arrivée à ce moment qui a été terrible pour moi, la fin d’analyse avec L, mais dont je ne trouve que des traces, des indices. or le mois de mai auquel je cherchais à donner une forme lisible ne tient pas sans ça, ce coup-là, il vient dans la suite de ça.
continue d’être sidérée par le peu de choses écrites. alors bien sûr, je n’écris jamais quand je vais vraiment mal. mais du coup, que faire, comment relire ça, ou jamais le donner à lire, qui n’est que manques, que trous. dont rien d’indique je puisse les combler, surtout pas mon manque de persévérance. dans quoi étais-je ? 
me dis qu’il faudrait que je détermine les portions de temps à extraire et que je les ré-écrive. peut-être même à la 3ème personne. « Le 11 mai, elle fait un rêve, deux points, ouvrir les guillemets.  » (or, aucun projet auquel je me tienne, donc tout en vain.)

je réfléchis à des solutions techniques, à des procédures. des solutions qui travaillent les posts pris dans leur continuité temporelle d’une part, et selon différents sujets d’autre part. ce qui se cramponne au fil du temps mais qui ne cesse de lâcher et ce qui le transperce et s’en défie. (m’évoque les deux types d’aphasie qu’observe Jakobson, qui l’amène à distinguer les axes syntagmatique et paradigmatique de la langue, choses lues il y a très longtemps.) je suppose que je devrais réfléchir aux coupes de temps et aux topics (ou paradigmes) auxquels me restreindre, auxquels je travaillerais séparément de façon à ce qu’ils puissent être lus séparément. je suppose surtout que je dois trouver le moyen de démarrer quelque chose et de m’y tenir, ce qui devient de plus en plus compliqué : comment appeler cela? comment nommer ce symptôme qui s’aggrave?  depuis que j’ai fait foirer Titi, je n’ose plus me lancer, je me lance incidemment

« Le premier type d’aphasie est lié à une altération des relations paradigmatiques (choix des mots et des sons) : le patient intervertit un son et un autre (« chameau » pour « chapeau », par exemple). Le second type d’aphasie relève d’un dérèglement des relations syntagmatiques (combinaison entre les mots ou les sons) : le patient permute des syllabes ou des bouts de phrases.
Ces deux types d’aphasie sont associées, selon R. Jakobson, à deux figures de rhétorique : la métaphore (comparaison implicite, par exemple « un océan de verdure » pour « une forêt ») et la métonymie (substitution avec un élément contigu, par exemple « boire un verre » alors que l’on boit son contenu). « La métaphore devient impossible dans le trouble de la similarité [paradigme], et la métonymie dans le trouble de la contiguïté [syntagme]. « 

axe paradigmatique –>  C’est l’axe des choix lexicaux et de la substitution –> choix des mots, des sons // chapeau pour chameau –> métaphore
“En linguistique moderne, un paradigme est constitué par l’ensemble des unités entretenant entre elles un rapport virtuel de substituabilité”
c’est sur cet axe, que quelque chose de l’inconscient peut « passer la barre de signification », qu’il peut y avoir effet de sens (incidemment)

axe syntagmatique –> celui de la production de la parole et de la combinaison des mots entre eux // combinaison entre mots ou sons (permutation de syllabes ou bouts de phrase) –> métonymie
Les rapports syntagmatiques sont “fondés sur le caractère linéaire de la langue, qui exclut la possibilité de prononcer deux éléments à la fois” (Saussure, 1967, 170) 

les choix paradigmatiques : dans le blog, les termes qui tiennent, qui reviennent (que je vais presque jusqu’à exploiter, que j’interroge)  sont toujours ceux de l’inconscient, des symptômes, des rêves. ceux-là, tiennent. tiennent parce qu’ils ne tiennent pas au sens, mais à autre chose. 

pas prendre au sérieux ce que j’avance, faudrait relire. j’ai lu ça, j’avais vingt ans. quelque chose m’avait frappé, quelque chose est alors passé.

 

samedi 2 novembre 2024 · 06h24

le mauvais interrupteur sur lequel on appuie malencontreusement

insomnies

pas pu m’endormir hier soir, tout allait bien, j’avais lu, manqué plusieurs fois de m’endormir, éteint la lumière, fermé les yeux, quand tout d’un coup, j’ai senti que non, que c’était trop tard, je ne m’endormirais pas, plus. c’est très étrange ce moment où quelque chose me signale que c’est fini, que j’ai quitté la zone d’endormissement que j’entre dans l’insomnie. lisant, j’avais peut-être attendu trop longtemps. c’est comme avoir malencontreusement appuyé sur le mauvais interrupteur. il devait être aux alentours de minuit. Frédéric a éteint sa lumière. vers une heure trente, je me suis levée et j’ai pris unanxyolitique, 1/4.
agacée par ces insomnies.
depuis combien de temps ça dure, maintenant ? je crois depuis dernier séjour à Bruxelles environ, à ce moment là que ça s’est de nouveau complètement déréglé. je ne sais plus. peut-être depuis que Jules est à Bruxelles. enfin peu importe. c’est de nouveau là et pour la première fois depuis longtemps, hors de contrôle.

Kafka

hier soir, comme je ne m’endormais pas, je pensais à tout ce qu’on s’était écrit H et moi, durant toute la journée… je pensais aussi à ce que je venais de lire de Kafka sur ses difficultés à écrire, sur ses moments d’arrêt, ses renoncements, sur le fait qu’il croyait à la possibilité de réussir à écrire sur le ratage, sur son désir de continuité, de tout le temps rester dans la force du sentiment de départ en opposition à son exigence de ne rien laisser dans son écriture au hasard, qu’il n’y ait rien de superflu, que tout corresponde à quelque chose. il avait une profonde intuition de ce que c’était écrire, bien écrire. une connaissance dont je suis totalement dépourvue. il faudrait que je reprenne ici les passages. ça y est, mal de tête. sa volonté de finir. Le fait qu’il ne croie pas au trajet pour y arriver mais à l’objet fini (à l’opposé de ce que j’écrivais moi-même il y a quelque jour…) je vais retourner me coucher.

samedi 2 novembre 2024 · 11h28

kafka, continuer, finir

ce chapitre du 1er tome du Kafka de Reiner Stach : « Le disparu : perfection et déchéance », extraits : 

p. 409
… Kafka voulait finir ses grands projets… ce qui comptait pour lui n’était pas le travail, mais bien le résultat. Le cheminement n’était pas une fin en soi, pas du tout..
p. 410
Ce que Kafka admirait le plus, et qu’il chercha avec obstination – on est tenté de dire avec une obstination incorrigible – jusque dans ses ultimes tentatives, était un absolu parachèvement formel, dans le détail comme dans l’ensemble. Cela signifiait avant tout qu’un texte littéraire devait se déployer de façon parfaitement organique à partir de son  germe fictionnel et imaginaire, sans revirement arbitraire, sans schématisme, sans hasard provoqué, sans détail superflu ou importun, ni autre impureté du même genre. 
p. 411
il voulait la « conclusion innée », celle qui s’anime déjà tel un foetus sous la surface de la toute première phrase et qui affirme peu à peu ses contours.
p. 412
Kafka savait que l’inspiration n’était pas suffisante et qu’il fallait ni plus ni moins que de l’énergie psychique, voire une sorte d’obsession délibérée, pour puiser une passion et une concentration toujours nouvelles dans un travail de plusieurs mois. Or l’état d’esprit à la fois supérieurement lucide et exalté qu’il avait défini comme son idéal créateur depuis la nuit du Verdict était forcément limité et générait de nouvelles inhibitions : le fait même d’écrire diminuait la tension; la circonstance qui avait soudain ouvert les profondeurs de sa psyché, pour sa plus grande jouissance et son plus grand tourment, était peu à peu recouverte par des expériences nouvelles, d’un autre genre; pour finir, l’oeuvre en cours générait son propre champ de forces, dictait des exigences étrangères, et le jeu se muait en devoir
p. 413-414
… Kafka ne maîtrisait donc pas son art?
Il n’en fut jamais vraiment sûr.

… il crut découvrir que seul le premier chapitre, Le Chauffeur, provenait d’une « vérité intérieure », tandis que tout le reste, soit tout de même 350 pages manuscrites, avait été « écrit comme en souvenir d’un sentiment grand mais absent de bout en bout, et donc bon à jeter » – bilan irréfutable…
Que se reprochait Kafka? D’avoir été guidé non par un « sentiment », mais par le souvenir de ce sentiment – en d’autres termes une interposition de sa conscience.
p. 416
C’est pourquoi le fait de « continuer » s’accompagne inévitablement d’un deuil, celui de la liberté et de la jouissance d’un engendrement pur.
Kafka ne manquait pas d’idées, il manquait de « continuations ». 
p. 417-418
Il n’y a pas chez Kafka de rebut narratif, ni de motif sans suite, ni de détail purement illustratif – qu’il s’agisse de la couleur d’un habit, d’un geste caractéristique ou seulement de l’indication de l’heure. Tout signifie quelque chose; tout renvoie à quelque chose; tout revient. 
….
Cette densification si radicale, qui confine aux limites du langage… 
Et plus cette trame est dense, plus la poursuite du roman devient une tâche artisanale dont la réussite exige à la fois des trouvailles sans cesse plus précises et, de la part de la conscience, un contrôle objectif sans cesse plus inflexible. Car plus le récit progresse, moins il est vraisemblable q’une trouvaille spontanée « s’insère » à l’endroit même où elle survient.
Tout cela jette une lumière décisive non pas sur la raison dernière, mais peut-être sur le moment de l’échec: c’est le moment où l’effort technique menace d’étouffer la création; la crise créative par excellence. 

samedi 2 novembre 2024 · 15h45

“Un livre ne commence ni ne finit, écrivait Mallarmé, tout au plus fait-il semblant”

blog
donc rien fait hier de ce que prévu
mais remontée dans le temps
espérant trouver par où commencer (le texte extrait du blog) pour aller vers cette « crise de fin d’analyse »
remontée jusqu’à 2011, plus précisément jusqu’à décembre 2010 (!) , avec ce texte de Mallarmé (ça m’a paru un particulièrement bon début) :

“Un livre ne commence ni ne finit, écrivait Mallarmé, tout au plus fait-il semblant”

il ne me reste plus qu’à trouver comment faire semblant (de faire semblant).

là, je relis et sélectionne les posts qui pourraient faire partie d’une catégorie nouvellement créée que j’ai appelée, au moins provisoirement, Une fin d’a,
pour aller donc vers cette crise de fin.
peux pas remonter avant parce que trop riche en rêves et en rêves analysés
voilà

départ pour B
  faut lâcher le clavier
  faire la valise
  le lit
  J fait la vaisselle
  s’occuper de la clé à déposer en Keynest
  c’est St qui s’occupe du chat pendant notre absence
  se laver
  s’habiller

dimanche 3 novembre 2024 · 09h35

Bruxelles

Premier croissant de lune. J’ai dormi très tard, jusqu’à 9 heures, peut-être suite à anxyolitique de la nuit d’avant. sinon, je ne sais pas. quelque chose de reposant dans la journée d’hier ? je ne sais pas. Le voyage vers ici. qui n’est d’ordinaire pas supporté par moi. 

me suis levée parce que pensé au fait que si je ne travaillais pas un peu au blog, ne fût-ce que mentalement, j’oublierais tout le travail pendant le séjour ici et tout serait à refaire.

Je pense surtout au fait que non repris dans la suite des jours, ça ne tient pas, à moins de suivre au fur et à mesure, ce qui n’est plus possible puisque je ne publie pas au fur et à mesure. certains arrivent à publier au mois mais je manque de discipline. avant j’arrivais à publier dans l’urgence tous les jours, maintenant…. maintenant je suis tout le temps dans la réflexion sur ce qui a déjà été fait et sur quoi en faire….

donc je suis en 2012………

je me refais une Ricoré.

jeudi 14 novembre 2024 · 18h54

Vie de Laura (extraits)
— atelier du samedi 9 novembre, Raconter une vie, avec Roxane Gay

Dire ce qu’elle aime, Laura, elle le sait d’abord pas, pas tout de suite. Un peu comme quand elle était petite et qu’il lui fallait dire quelle était sa couleur préférée. Elle aurait bien choisi le rouge et n’osait pas. Comme si c’était le bleu qu’il fallait, le bleu qui convenait, le bleu qui lui convenait. Alors elle répondait bleu, y mettait même une certaine conviction, presque jusqu’à y croire elle-même. Elle avait peut-être toujours eu un certain souci des conventions, avec le désagréable sentiment de ne savoir absolument pas ce qui convenait. Sans doute lui manquait-il quelque chose, sans que l’on sache quoi. Au jeu des préférences, elle disait donc bleu, ce qui ne l’empêchait pas, aussi souvent que possible, de choisir le rouge. Le pion rouge par exemple, au jeu des petits chevaux. C’est le petit cheval rouge n’est-ce pas qui gagne. Elle n’avait aucune estime pour le cheval bleu. 

(Elle aimait bien le rose aussi, le rose, mais le rose, ça, le rose et tout ce que ça, non.) 

Ce qu’elle aime pas, Lau, elle le sait pas trop non plus. Les choux rouges. Elle aime pas trop se déclarer, on dira. Pas trop parler de ce qu’elle fait. Vous faites quoi dans la vie. Pas trop s’habiller non plus, elle aime. À vrai dire guère se laver se maquiller s’habiller. Guère sortir, le monde. Affirmer rien. Guère ne pas écrire. Elle n’aime guère ne pas écrire, Glauria. Alors, ce qu’elle aime : écrire à l’écart. S’affirmer en négatif. Envoyer des lettres d’adieu. Aimer au contraire. 

Où elle habite lui ressemble, Loy, en ce sens qu’y règne une forme d’indétermination. C’est spacieux, elle est grande. Parsemé d’habits, d’habits abandonnés. Elle craint bien que ça ne ressemble à rien. En hauteur. Tout là-haut dans sa chambrette, sa chambrette était là haut, Loire fumait des cigarettes. Loire fume, lit dans les canapés. – Elle a un chat, Loire?  – Oui. Elle jette au sol les vêtements qui ne conviennent pas, elle interroge les miroirs, elle interroge surtout l’espace entre l’habit et sa peau, elle interroge la façon dont son corps est pris dans l’habit, s’il la serre où il faut, s’il la trahit, s’il la soutient, elle interroge ce qu’il lui fait, et comment sont les fesses, qu’est-il vu de dos et que dira cette soie à qui la voit. A l’intérieur ses talons claquent sur le bois, à l’extérieur ses talons claquent sur le pavé. Pourtant rien qu’elle n’aime tant que marcher pieds nus, rien, mais Dieu sait que certaines chaussures vous donnent au corps une impulsion venue du sol, une soudaine allure, qui n’appartient à rien d’autre qu’à l’apparaître, et qui l’accomplissent ce miracle : prise de corps de l’apparition. L’apparaître est court, rare et magique. Tient à l’un ou l’autre vêtement, une mèche de cheveu, des chaussures. Tient à tout d’incertain. Une fois qu’elle quitte sa maison elle n’interroge plus aucune miroir, ça l’amènerait à rentrer chez elle derechef. L’expérience le lui a appris: elle ne doit s’adresser qu’à des miroirs avec lesquels elle a un peu d’intimité. Sinon, assaillissement par l’horreur. Une fois qu’elle sort de sa maison, elle rencontre la surprise toujours renouvelée de l’air, et ça la lave, et la joie des jambes.

Syllabes. Lèvres. Bout des doigts.  Pulpe. Pulsatile.

Elle dit surtout pas comme. Elle dit surtout pas comme sa mère. Elle fait surtout pas comme sa mère. (Ce qui est fortement handicapant car sa mère s’occupe de bien des choses primaires, des besoins, primaires, comme le rouge et le bleu entre lesquels elle ne veut pas choisir.) Il y a des tas de choses qu’elle ne fait pas. Puisque mère, faisait tout. Mais elle se tait comme elle. Là, c’est le même mur. Le même amur. Le même grand am. La même haute tour. Le même enclos des dents. La langue reposée, les cœurs battants. Tant. Tant battant, gloire et yeux baissés. Modestie face ce qui vous dépasse. L’enclos mouillé des dents, douceur liquide de la paupière reposée sur l’oeil. Et quand rarement elle fait quelque chose, elle fait comme sa mère : elle rate. Insomniaque tourne les pages, se réveille lorsque le film s’arrête. « Si maman si »,  chantonne dans son lit. Sa mère lisait, sa mère console. Floire consolée. Lire, encore. 

Tant de confusion par moments, par maman. 

Qu’être pour sa mère. 

Rien ne se passe comme dans les livres. 

Qu’est-ce qui se saisit de quoi. Parfois ça rit. Ça rime. Je retiens surtout la lumière. 

Laure a de l’espoir. Pense qu’un jour. Elle est jeune et seule. Au travers de l’appartement au lattes dorées se voit courir vers le balcon, enjamber. Elle est souvent aimée. En ces temps-là. Longtemps de l’espoir pour demain. Les uns et les autres s’aiment. Les couples se croisent et se décroisent. Demain passe à hier. L’espoir cédé autant que le désespoir. 

(C’était déjà G. C’était encore la guerre. Racine. Ne dis pas ça. Le père meurt dans les caves, ouvre un œil, glisse à Laure son secret, le secret de la mère, de son étrangeté.)

Si elle s’est parfois trouvée belle, Lol, elle s’est souvent haïe. Haïe la chair. (Non pas celle du péché, celle de la matière, de l’épaisseur. Et de l’image.) Longtemps le regard des hommes la renseigne sur un degré de séduction dont elle ne sait rien, qui l’excède. L’image lui manque. C’est une danse intérieure qui la tient, la guide, un mouvement. La sensation des jambes quand elle arpente, la hauteur du menton, le bruit des pas. Ou un vêtement neuf qui n’a pas encore eu le temps de la désillusion. Lol aime les vêtements neufs. Lola aiment ceux empruntés. 

Jusqu’à ce que l’âge. Et qu’elle puisse s’en moquer. De ce qu’elle fait comme trou dans l’image. Sa mère perdant lentement la langue qu’elle n’a jamais eue, qu’elles n’ont jamais eue, elles se parlent enfin, elles se parlent en langue. Douceur atteinte. 

tant de choses non-dites qu’un rosier en hiver soudain se prend à énoncer clairement. les yeux se baissent. le même nombre de rides aux coins.

Sa mère prend le livre qu’elle ne sait plus lire,  dit  : une vie.  Tend son doigt vers toi. Dans l’ivresse d’un nom dont elle se souvient dit : Laura, une vie. Tourne le doigt vers sa poitrine : Vie. 

Ô mère. 

vendredi 15 novembre 2024 · 14h41

racines (au nom de l’impossible)

i really feel stuck
into this conflict
israel/palestine
like being stuck, at the heart, of 
the conflict
between good and evil
and feeling guilty for it
how to step out of it
without betraying humanity

je me sens vraiment coincée dans ce conflit
I/P
c’est comme être coincé au cœur du conflit
le seul peut-être s’il en est
du bien et du mal
et s’en sentir coupable

vendredi 22 novembre 2024 · 22h43

compliqué

compliqué en ce moment
envie de regarder des séries, de jouer aux cartes, de passer du temps sur les RS
restée au lit je crois toute la journée, pas le courage au matin d’appeler maison de repos
finalement appelé l’après-midi pour parler à l’infirmière en chef, mais c’était trop tard
j’a pu parler à l’infirmier par contre, à R,
et à ma maman (!)

j’ai écrit alors à mes frères:

« coucou
j’ai eu R, l’infirmier au téléphone
il fera attention à maman dans les prochains jours…
il a dit que si l’un de mes frères vient, il pourra lui dire ce qu’il a observé
Je n’ai pas eu l’infirmière chef, j’ai appelé trop tard
elle était déjà partie
 
mais j’ai eu maman au téléphone
c’était mignon
elle a dit que c’était mieux avant
et que c’était l’hiver depuis pas longtemps
– tu as vu, c’est l’hiver maintenant
-oui, depuis pas longtemps
-et tu as vu hier la neige
-oui mais ça on connaît déjà. y a plus rien, y a les restes.
J’ai dit Ha ha, oui oui, tu as raison, y a les restes
je lui ai dit que j’allais venir
ça l’a étonnée puis
elle a exprimé que ce sera bien quand je viens
et elle a dit qu’elle se souvient
il y a eu d’autres mots et bribes de phrases et exclamations de ma part, j’ai beaucoup dit que je l’aimais et que je pensais à elle
à la fin elle a dit au revoir »

me suis alors recouchée et ai écrit à deux associations alzheimer

tous les soirs je m’endors en regrettant de n’avoir pas avoir plus lu

l’un de mes frères ne va pas bien

je voudrais faire un reset

samedi 23 novembre 2024 · 09h55

une liste de plaintes oubliées
— de comportements défectueux ou manquants

mais qu’est-ce que je voulais écrire, en me réveillant ce matin, qu’est-ce que je voulais écrire à mon analyste ? que voulais-je écrire à Hélène Parker. différents points, quatre ou cinq, dont il m’apparaissait qu’on pouvait sans doute les qualifier de plaintes, de symptômes même. une liste très simple de comportements défectueux ou manquants, dont je parle peu, dont je ne parle pas. dont je ne parle plus ? (le fait que je ne sorte jamais? que je ne m’occupe de rien? que ce soit F qui s’occupe de tout? que je ne gagne pas d’argent? que je ne prépare pas à manger? que je sois totalement inadéquate face aux exigences pratiques de la vie?) c’est vraiment étrange, à ces choses, je ne penserais plus jamais qu’au réveil, je ne pense plus que dans les premiers instants du réveil. j’y aurais pensé davantage. oui, il est bien possible que j’y aie beaucoup pensé autrefois, considérablement même. voire que je n’aie pensé qu’à ça. et que face à l’impossibilité d’y pallier, ces manquements chez moi, ces tares, petit à petit, je les aie refoulés, je m’y serais faite, inadaptée, déficiente. en ne m’y confrontant plus, j’aurai trouvé le moyen de m’en épargner l’angoisse. j’ai abaissé mon niveau d’exigence. et jamais encore, je crois, quand ils réapparaissent, au petit matin, au réveil, la nuit, je ne suis allée jusqu’à les écrire, comme à chaque fois, je crois, je me le propose. 

*

mais qu’est-ce que je voulais écrire, en me réveillant ce matin, qu’est-ce que je voulais écrire à mon analyste ? que voulais-je écrire à Hélène Parker ? différents points, quatre ou cinq, dont il m’apparaissait qu’on pouvait sans doute les qualifier de « plaintes », de « symptômes » même. une liste très simple de comportements défectueux ou manquants, dont je parle peu, dont je ne parle pas. dont je ne parle plus ? (
 le fait que je ne sorte jamais ?     que je ne m’occupe de rien ?     que ce soit F qui s’occupe de tout ?     que je ne gagne pas d’argent, que je ne prépare pas à manger ? que je sois totalement inadéquate face aux exigences pratiques de la vie ?
)       
        c’est vraiment étrange, à ces choses, je ne penserais plus jamais qu’au réveil,
    je n’y pense plus qu’aux premiers instants du réveil.      j’y aurais pensé davantage.      oui, il est bien possible que j’y aie beaucoup pensé autrefois,
                  considérablement même. voire que je n’aie pensé qu’à ça. qu’à ça.

et que face à l’impossibilité d’y pallier, ces manquements chez moi, ces tares, petit à petit, avec le temps, va, je les aie   
refoulés,
je m’y serais faite : inadaptée, déficiente.
 en ne m’y confrontant plus, j’aurai trouvé le moyen de m’en épargner l’angoisse.
j’ai abaissé mon niveau d’exigence et jamais encore, je crois, quand ils réapparaissent, quand ils font leur réapparition, au petit matin, un à un, au réveil, les uns après les autres, quand c’est encore la nuit, défilent, je ne suis plus allée jusqu’à les écrire,
                     comme à chaque fois, je crois,
                                                                     je me le propose. 

(tester version sur papier, manuscrite)

vendredi 29 novembre 2024 · 16h15

à l’heure de nulle part

  peu de choses continuent à tenir 
       (aucun travail que je puisse tenir sur la longueur)
   je ne publie plus que 
des choses sans suite
  à n'importe quel moment 
     ou de n'importe quel moment 
      (n'importe quelle année, mois, jour)
ce sont les dates (que la machine connaît, la machine blog) qui tiennent lieu 
 de rampes artificielle, d'édifice. par là me réintégrant quelque peu 
   à l'histoire.

c’est pourquoi la page MOD est la vraie page d’accueil de ce blog

samedi 30 novembre 2024 · 12h42

on a chacun ses plus ou moins grandes obsessions

version du texte publié sur Facebook

on a chacun ses plus ou moins grandes obsessions. je sais d’où vient que je sois obsédée par la Palestine et ce que commet aujourd’hui Israël. ça ne s’apaisera pas. ce serait lié à quelque chose de l’ordre du trauma et à la façon dont ça s’est combiné en moi pour y répondre, pour s’organiser, une organisation que je traite comme une maladie, considère comme une maladie, par où je cherche à m’absoudre, ce n’est pas moi, c’est la maladie, cette maladie honteuse qui m’a conduite à mener une vie d’inutile et d’exilée, dont le destin ne trouve à s’accomplir que dans le ratage, auquel je cherche seulement à donner un peu d’allure, à défaut d’en avoir aucune. partout: maladie. et chaque instant de ma vie tout entier tourné vers moi-même, à tenter de trouver grâce à mes propres yeux. depuis le diagnostic toutefois, relativement récent, j’ai pu finalement renoncer à exiger de moi des choses impossibles et me suis pardonnée beaucoup.

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