ma langue – ce pays où je suis pourtant sujet du verbe, où je prospère, se refuse à ce que je m’y incarne, à ce que je m’y incarne au lieu habituel de l’incarnation, dans le corps circonscrit par sa peau et son image dans le regard de l’autre
elle ne trouve à s’inscrire, elle ne trouve à m’inscrire, que comme corps que de lettres
je pourrais me dire femme de lettres
(comme femme de l’être, de l’être de jouissance)elle ne se refuse pas à toute incarnation
elle pense que l’incarnation est le lieu de ce qui ne supporte pas le nom
elle parle de la chair
dont les frontières sont extensibles, imprévisibles
elle dit que l’incarnation, pour elle, ma langue, ne peut jamais être que le lieu, à tout instant , du manque de nom
elle dit que ce manque est une prière constante et le lieu de son adoration
à elle, ma langue
le lieu de ce qu’elle se refuse à sacrifier
elle dit que ce manque n’a de nom que dans le temps de la nomination, le temps de l’énonciation du nom
n’a que ce temps là, cet instant-là
dans ce temps, dans le souffle de la voix qui prononce
dans un baptême toujours à refaire, toujours miraculeux
où la goutte d’un nom se dépose dans le creux de son manque, de sa langue, de son être pour aussitôt s’évaporer la laissant abasourdie, ravie, évanouiema langue donc n’obéit qu’à elle-même, ne m’autorise pas la parole. m’en exile, ne tient qu’à sa vérité
(on dit que la jouissance n’a pas de nom, c’est plutôt : la jouissance n’a d’autre lieu ni temps que celui de la nomination , et ce lieu, et ce temps, ne s’inscrivent dans aucune liaison au sens, mais seulement dans la rencontre parfois miraculeuse d’un nom et d’un bout de chair, d’un nom, d’un mot, d’une lettre et d’un bout de chair. cette chair tient lieu d’être et n’autorise pas, ne supporte pas la personne, le masque, or dans l’instant du miracle, de la coïncidence, la personne advient, dans l’évanescence d’une lettre qui vient brûler la peau. cette peau qui existe en plusieurs endroits, à l’intérieur du corps aussi bien qu’à des lieux infinies, la peau multiple, là où rien ne pourrait la toucher, directement.)Voir aussi : https://www.disparates.org/iota/2021/01/presentation-de-ma-langue-1/