il faut que j’apprenne à me créer mon espace, il faut que je l’accepte, il faut que je cesse d’être de nulle part, il faut que je me fasse ma place. c’est comme pour la musique. cela fait des années que je n’écoute plus « ma musique ». que je n’écoute plus que la musique de f., la musique de l’autre. ma musique, si je la choisis, si je fais cela, crée un espace qui devient le mien. il faut que je cesse d’attendre tout de l’autre. pourquoi dis-je cela. ce n’est pas de ça qu’il s’agit. je n’attends pas toute la musique de f. je n’ose pas faire exister ma musique. le faire, mettre de la musique en sa présence m’angoisse. cette manifestation de ce que je veux m’angoisse. de ce que j’aime, de ce que je suis. est-ce que je dirais que là aussi, j’ai peur de ne pas être aimée, écoutée, acceptée? c’est étrange. de la même façon que je ne supporte pas bien de choisir le film qu’on regardera. je supporte de faire un choix parmi ce que frédéric propose, mais pas d’avancer mes propres choix. pourquoi est-ce que je n’ai pas avancé plus? comment ai-je pu n’avancer que si peu? il y a cette lâcheté, je ne vois pas comment l’appeler autrement, par rapport à mon propre désir. cette lâcheté morale qui me caractérise.
(que ta volonté soit faite. je n’ose pas imposer ma volonté. ça n’est pas comme ça partout. je crois pouvoir avoir des aspects tyranniques.)
lâcheté
j’affiche ici les posts du blog qui contiennent le mot « lâcheté ». le résultat n’est pas très intéressant, sauf peut-être les deux textes d’analystes, Laurent et Marret-Maleval, mon premier texte, sur l’absence de nom, celui sur l’aveu peut-être aussi… mais il me semble que j’y fais un raccourci, un saut, qui ne couvre pas le gap entre la déliaison au nom et la volonté de l’aveu. j’ai eu un éclair, quelque chose m’est apparu.
l’enjeu pour moi, au départ du texte d’Eric Laurent, c’est : lâcheté d’un névrosé ou psychose. quand le diagnostic de psychose est apparu, cela est effleuré dans le texte ci-dessous où je parle de ma rencontre du texte d’Emmanuel Carrère, de sa révélation, je me suis sentie soulagée fondamentalement de l’accusation de lâcheté).
(la question qui me reste – juste à quel point je peux, je dois, je devrais me faire violence.)
extrait de « vouloir l’aveu«
en attente d’un nom. quel nom me fait trou au cœur. quel nom me manque. que fais-je en cette absence. quel nom puis-je endosser, en quel nom écrire? comment rapprocher ce que j’écris de ma personne, de mon nom (impossible). cela qui n’est possible que dans une lettre (au bas de laquelle j’écris mon nom).
(ce pourquoi j’écris beaucoup de lettres. ce pourquoi je suis tentée d’écrire beaucoup de lettres. est-ce pourquoi elles sont si souvent d’amour sont si souvent d’adieu. elles seules, le lieu de désir, de l’amour, de mort, etc. )
je me dis que je dois retourner à tenter de penser la lâcheté de ça : je n’assume pas ce que je suis, pense. je me dis ça, ces jours-ci. pourquoi ne pas plutôt penser en terme de lâcheté, en termes de lâcheté morale… plutôt que de psychose, de mélancolie ou de Dieu sait quel « rejet de l’inconscient »(2) :
« Il nous faut distinguer, à partir de Télévision, entre la clinique de la lâcheté morale et celle du rejet de l’inconscient. Il s’agit dans le premier cas d’un sujet défini à partir de la structure du langage, la clef en est le désir. Dans le second cas, le rejet de l’inconscient nous renvoie à un autre registre, celui où la jouissance mortifère se noue à la naissance du symbole. »
Éric Laurent, « Mélancolie, douleur d’exister, lâcheté morale », Ornicar?47
et c’est là qu’il m’est apparu que je n’aurai jamais rien d’autre à écrire qui ne soit au bord de l’aveu.
(qu’il y s’agit moins de lâcheté morale que d’un vouloir de rachat moral. qui écarte tout le reste?)
toujours au bord de l’aveu. quoi que j’écrive, de cet ordre-là. ce grand désir toujours, qu’on en vienne là, aux faits, à la faute. le souvenir remonté de dostoïevski. l’enthousiasme de ma mère pour dostoïevski, ses grandes scènes d’aveux. je veux l’aveu. faut du crime, faut que ça saigne pour que ça signe, même faut que ça s’enseigne, le reste balayé, inexistant. comme s’il n’y aurait jamais rien d’autre à écrire : ma faute. celle reprise à mon compte dont ma mère n’a eu de cesse de s’accuser.
(question stupide : s’agit-il de la sienne de faute que je fais mienne, ou s’agit-il de la même faute. s’agit-il de sa folie que je prends à mon compte, de la mienne que je lui attribue, ou sommes nous aussi folles de la même faute l’une que l’autre…)
il y a une faute qu’aucun nom n’assume. c’est d’elle que ce que je veux écrire voudrais prendre la charge.
aucun nom, seulement la chair. Chère Hélène, Chère Véronique,
n’est-ce pas plutôt de la nature de cette faute qu’il faut se rapprocher. de cet objet de l’écriture. dont j’avais cru lire une interprétation possible dans l’écrit d’Éric Laurent cité plus haut sur la mélancolie. la culpabilité endossée du meurtre de la chose par le symbolique. non, c’était plus dramatique encore que ça. il était question d’incarnation. ne s’agissait-il pas d’incarner ce qui restait du meurtre. ou ce meurtre même et ce qu’il tue.
